Le digital promettait de rendre la pandémie et le confinement quasiment indolores. Entre les craintes liées à l’insuffisance de la bande passante, le ralentissement économique connu par plusieurs acteurs du secteur, la flambée du nombre de cyberattaques ou encore les craintes liées à la survie de la neutralité du net dans ce contexte de crise, les sujets de crispation regardant le secteur de l’économie numérique ont pourtant fait florès.
La vision optimiste d’une prise de relais complète du monde physique par un monde digital complètement dématérialisé, donc totalement protégé des turpitudes induites par la pandémie, n’aura par ailleurs pas résisté bien longtemps à l’épreuve des faits. En matière de consommation tout d’abord : en dépit des prédictions d’une substitution du commerce physique par le commerce en ligne durant la période de confinement, le constat apparaît beaucoup plus nuancé près d’un mois après la fermeture des magasins physiques.
Bien que désormais sans concurrents pour la plupart des biens de consommation, près de 76% des sites marchands interrogés dans le cadre d’un sondage par la Fevad avaient vu leurs ventes reculer au 1er avril. Seuls 18% des sites marchands, pour la plupart acteurs de l’alimentaire, de la téléphonie-information et des produits culturels et éducatifs, ont vu dans le même temps leur chiffre d’affaires augmenter. De surcroît, les difficultés du secteur sont apparues patentes, en matière d’approvisionnement et en matière de supply chain.
La France n’est pas un cas isolé en la matière. Sur 13 pays européens scrutés par Nielsen, seuls l’Autriche, la Belgique et l’Espagne ont connu un impact positif du confinement sur leurs ventes en ligne. Quant au télétravail, qui devait assurer une continuité de l’économie française, celui-ci s’est révélé inadapté pour 2/3 des actifs occupés. Selon un sondage de l’IFOP, 30% d’entre eux travaillent à la maison, quand 34% des salariés sont quant à eux des travailleurs exposés.
Plus encore, le télétravail s’est révélé être un nouveau marqueur des inégalités, puisque celui-ci apparaît être l’apanage des cadres (66%), quand 39% des ouvriers continuent de se déplacer pour se rendre à leur travail, jugé indispensable à la vie de la nation. Une situation qui n’est pas sans nourrir un certain ressentiment des « premiers de tranchées » (caissières, aides-soignantes, livreurs, routiers…) selon l’expression de Jérôme Fourquet et de Chloé Morin, à l’égard des « premiers de cordée », perçus comme des privilégiés. Force est enfin de constater que la dématérialisation des relations sociales ne sera pas suffisante pour briser le sentiment d’isolement, de solitude et la flambée probable des troubles mentaux en raison du confinement.
Si la lutte contre le Covid-19 prime dans l’immédiat sur toute autre considération sanitaire, l’impact des mesures mises en œuvre sur la santé mentale des Français devrait constituer un enjeu majeur de santé publique après la pandémie.