Abondé par des séries de chiffres, dévoilés à longueur de JT et dans la sphère médiatique, chacun d’entre nous est devenu apprenti statisticien malgré lui. Si la statistique tient son origine du latin status qui signifie état, elle s’est toujours évertuée, et cela dans son essence même, à mesurer ce qui est relatif aux affaires de l’État. Outil de recensement des populations, boussole du stratège militaire ou encore juge des productions agricoles, la statistique a toujours fait partie de la panoplie des outils étatiques. Rien de plus vrai aujourd’hui, alors que chaque État, en temps réel, informe sur le nombre de morts et de personnes contaminés en lien avec l’épidémie de Covid-19.
Il y a aujourd’hui, en France, 86 344 cas confirmés, 8044 décès à l’hôpital et 4166 décès en EHPAD. À l’échelle mondiale c’est plus de 90 000 morts et 1,5 millions de personnes contaminées. Le phénomène épidémiologique est l’objet d’un volume de données inédit, ayant notamment vocation à juger de l’efficacité des mesures sanitaires. Alors que dans leur prise de décisions, nos dirigeants semblent s’en remettre à l’analyse de ces chiffres, peuvent-ils donner un état des lieux fidèle de la réalité ? Quid des personnes non dépistées, des personnes asymptomatiques, des tests post mortem non effectués ? Ces indicateurs, éloignés d’une rigueur mathématique, ne donnent qu’une photographie imprécise d’un phénomène difficilement quantifiable. Plus encore, chacun y va de sa propre interprétation essayant de comprendre pourquoi l’Italie a plus de morts que la France ou s’étonnant du bilan de 2607 morts avancé par l’Allemagne. Interrogations au sujet des méthodes de comptage et articles journalistiques qui soulignent les différences entre la France et l’Allemagne dans la méthode de décompte, sont autant de preuves de l’inconsistance des comparaisons internationales.
À cela s’ajoute la nécessaire prise en compte des différences entre les données démographiques, les systèmes de santé, les politiques de dépistage, et les systèmes politiques. Riche d’enseignements, la crise sanitaire actuelle, gérée dans l’urgence, ne doit pas faire oublier le temps long, mais nécessaire, de la réflexion quant aux chiffres.