Jusqu’ici écarté voir conspué par les autorités de santé et le corps médical, presque érigé au rang de tabou collectif tant les discours moraux ont pesé et pèsent encore autour du sujet du confinement, le sujet du déconfinement est pourtant devenu central dans la conversation globale au cours des derniers jours, et ce en amont de l’allocution présidentielle de lundi soir. Tout au long du long week-end pascal, les mouvements d’opinion contradictoires se sont succédés autour de cet épineux sujet.
Arrivé en trending topic samedi avec quelques 2 828 tweets uniques au cours de la journée, le hashtag #StopConfinement porté initialement par des comptes d’extrême-droite, n’aura pas seulement donné lieu à de nombreuses réactions outrées à l’égard de ce mot d’ordre jugé trop prématuré et irresponsable. Celui-ci aura, d’une certaine manière, constitué le signal faible du potentiel de polarisation de ce sujet dans l’opinion.
A mesure que la pandémie semble perdre en intensité dans l’Hexagone, en témoigne la stabilisation du nombre d’entrée en réanimation (le « plateau » qui a remplacé le « pic »), la parole médicale apparaît de plus en plus concurrencée par d’autres formes de discours dans l’espace public. Qu’elles fassent valoir des arguments d’ordre politique, économique ou écologique, ces prises de paroles enjambent l’urgence du présent et se projettent d’ores et déjà dans le jour d’après, faisant valoir d’autres enjeux que ceux du strict combat contre le Covid-19 et d’autres intérêts que ceux de la santé publique. Quelle que soit leur appartenance politique, le moment serait-il déjà venu de prendre date et de prendre position pour l’après ? Quand le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux appelle à l’orée du week-end à relancer l’économie en travaillant davantage, l’extrême-gauche prépare déjà les prochaines luttes sociales de la rentrée.
Autour du hashtag #OnNoublieraPas, les militants des diverses sensibilités de cette mouvance esquissent les contours d’une convergence des luttes. Quant à l’extrême-droite, qui avait fait du respect du confinement un marqueur pour stipendier les populations d’origine immigrée accusées de manquer de civisme, celle-ci paraît désormais se diviser entre la dénonciation d’un manque d’autoritarisme de la part de l’exécutif, et le manque d’efficacité supposé du confinement par rapport à d’autres solutions : l’immunité de groupe ou certains traitements médicamenteux. Sans doute ces différents mouvements d’opinion de plus en plus perceptibles auront-t-ils pesé sur le fond de ce discours, d’abord prévu pour être prononcé jeudi, et qui n’aura été fixé qu’à la dernière minute selon l’Elysée. Comme si l’exécutif ne pouvait laisser à d’autres le soin de cadrer ce sujet émergent, et surtout pas à l’opposition. Le hashtag #DeuxièmeVague qui, d’une certaine manière, a succédé aujourd’hui à #StopConfinement dans les sujets les plus discutés sur Twitter en France, montre toutefois que le caractère consensuel du déconfinement est encore loin d’être acquis.