Après une plainte déposée par l’union syndicale Solidaires, Amazon a été condamné hier par le tribunal judiciaire de Nanterre à ne plus livrer que les produits alimentaires, médicaux et d’hygiène. Un revers pour le leader mondial du e-commerce, et un succès, osons le terme, retentissant pour l’écosystème militant francophone engagé depuis plusieurs mois, si ce n’est années, “Contre Amazon et son monde”, pour reprendre le nom d’une campagne impulsée par Attac aux côtés de 110 personnalités en novembre dernier.
Sur les groupes et pages Facebook de l’écosystème militant, pour qualifier ce dernier de manière générique, dès l’entrée de la France en confinement, à savoir le mardi 17 mars, Amazon a très vite émergé comme un acteur à même de faire consensus. Pour ces derniers, l’un des deux “A” de l’acronyme GAFAM incarne une sorte de figure contemporaine du “profiteur de guerre”, dont les activités ne peuvent que prospérer dans un contexte trouble tel que celui que nous traversons. D’où dès lors, et de manière continue et répétée, sur les réseaux sociaux, un pilonnement systématique d’Amazon. Dans la conflictualité informationnelle, et la bataille des narratifs, les hashtags viraux et les posts Facebook à plusieurs milliers d’engagements ont une capacité d’emporter la décision n’ayant rien à envier au Heinkel et autres Junkers engagés dans la Bataille d’Angleterre. Face à des acteurs rodés à l’exercice, et à l’agit-prop numérique, disposant de pages, de groupes Facebook et d’une série de médias “amis”, parmi lesquels figure en bonne position Révolution permanente, Amazon est très vite devenu une citadelle assiégée. Sa position dominante, si ce n’est hégémonique, sur le marché français, dans le commerce non-alimentaire (et bientôt alimentaire d’ailleurs), n’a pas permis au géant américain d’enrayer cette dynamique d’opinion.
Si l’on peut ratiociner sur la décision de Nanterre, et se demander si elle ressort davantage du politique que du judiciaire, il faut rappeler que, dans un contexte sanitaire et politique tendu, le gouvernement a très vite abandonné Amazon en rase campagne. Bruno Le Maire, mi-mars, ne dénonçait-il pas les pressions “inacceptables” de l’Américain à l’égard de ses salariés ? En dépit d’une communication pro-active, Amazon n’a pas réussi à déconstruire et proposer un contre-narratif. En période de crise, l’opinion peut visiblement désarçonner des colosses dont les pieds, sans être d’argiles, ne sont pas d’airain.