Chacun d’entre nous, angoissé à la vue d’une épidémie qui ne dit pratiquement rien d’elle, qui ainsi nous échappe, collecte ou se fait le relais d’informations. Aux inconnues épidémiologiques se substituent des fake news, ou du moins des informations contraires au discours qui prévaut au sein de la communauté scientifique. Ce faisant, l’information est controlée, des publications retirées. Quand les réseaux sociaux parlent de modération de contenus, d’autres évoquent une censure délibérée. Le dimanche 29 mars, deux vidéos du président brésilien Jair Bolsonaro sont supprimées par Twitter. Que lui est-il reproché ? Déambulation dans les rues de Brasilia, non respect des gestes barrières, promotion d’un discours anti-confinement. Mais rien d’étonnant pour celui qui aime à dire que le virus est “une petite grippe”.
Aux Etats-Unis, Facebook a retiré de sa plateforme des événements de manifestations anticonfinement en Californie, au New Jersey et au Nebraska, le 21 avril. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire du camp républicain : Donald Trump Jr, fils aîné du président Trump, se demandant “pourquoi Facebook pactise avec les gouvernements des Etats pour étouffer la liberté d’expression”. En France, le professeur Didier Raoult, a vu une de ses publications sur son traitement à l’hydroxychloroquine qualifiée de partiellement “fausse” par Facebook. Pour parvenir à cette décision, le réseau social s’est basé sur sa collaboration avec le site de vérification des faits du journal Le Monde, Les Décodeurs.
Si au premier abord, nous pourrions penser à une censure algorithmique et de son application aveugle par les réseaux sociaux, ces suppressions sont assumées. Dans une croisade contre la désinformation face au virus, soutenue par Ursula Von der Leyen, qui souhaite “rétablir la vérité” sur l’épidémie, les géants du numérique s’engagent. Twitter souhaite encadrer les contenus qui vont “à l’encontre des consignes de santé publique émanant des sources officielles”.
Dans la lignée, Susan Wojcicki, DG de YouTube, a suggéré que la plateforme vidéo pourrait supprimer les contenus qui contredisent les recommandations de l’OMS. Sous couvert d’un objectif louable, les réseaux sociaux se font donc arbitre des publications, jugeant de ce qui est publiable de ce qui ne l’est pas, en se remettant à l’argument scientifique dominant. Une pratique qui ne manque toutefois pas de continuer à faire la part belle à toutes les théories du complot qui sont liées à la censure et à la manipulation de l’information. D’autant plus que, cette fois, elle apparaît sur les plateformes privilégiées par cette partie de l’opinion qui scande volontiers “éteignez vos télés”.