Vers une « décentralisation » du déconfinement ?

Après des semaines de nationalisation du traitement de la crise, cristallisée autour de la figure centrale et régalienne du Président jupitérien et des administrations centrales d’Etat et de leurs relais en région (préfets, ARS), le retour de l’échelon local et de la parole des collectivités territoriales augure peut-être enfin une certaine décentralisation plus conforme aux réalités de terrain.
vers une « decentralisation » du deconfinement ?

La différenciation du déconfinement par département annoncé par Edouard Philippe aujourd’hui vient sanctionner un fait devenu de plus en plus patent depuis plusieurs semaines : la situation épidémique, loin d’être homogène sur l’ensemble du territoire, recouvre en réalité des réalités très contrastées. Si le nombre de nouveaux cas se maintient à un niveau élevé (plus de 3 700 hier) – pour contestable que soit cet indicateur, celui-ci n’étant abondé que par des tests qui ne sont pas systématiquement pratiqués –, celui-ci est loin d’être le même dans tout l’Hexagone, et surtout Outre-Mer.

Des différences qu’un certain centralisme jacobin aurait tendance à occulter, tout comme la succession de polémiques portant sur le laxisme supposé du confinement à Paris, par des urbains qui seraient forcément « irresponsables » et « privilégiés ». Ainsi, une étude d’une équipe de l’Institut Pasteur sur l’ampleur de la propagation de l’ épidémie de Covid-19 rendue publique le 20 avril indiquait que le taux de contamination dans la population générale en Nouvelle Aquitaine n’était que de 1,4%, contre 12,3% à Paris et 11,8% dans les Hauts-de-France. Ces différences s’expliquent par l’enclavement de certains territoires et leur faible densité.

Un article du Monde paru aujourd’hui sur la situation sanitaire dans le Massif central souligne ainsi que la Lozère, département le moins peuplé de France, ne compte aucun décès, quand le département du Cantal n’en compte quant à lui que 3 depuis le début de la crise. Le statut insulaire de certain territoire est aussi de nature à freiner l’épidémie. En Outre-Mer, la Nouvelle Calédonie est déjà sortie du confinement depuis le 20 avril – les quelques cas détectés sur son sol étant tous importés. Des situations privilégiées qui, il convient de la souligner, sont dues à l’application stricte des règles de confinement sur l’ensemble du territoire, notamment pour prévenir la propagation du virus hors des régions les plus touchées. Le système de gradation en trois couleurs annoncé par le Premier Ministre et la couleur verte consacrant les départements les moins touchés va devenir pour les élus locaux une manière pour eux de soulager concrètement les conditions de confinement de leurs administrés, tout en faisant reconnaître leurs spécificités locales.

Elle sera sans doute un enjeu de lobbying pour les patrons de région et de départements auprès de l’Etat central, pour qui cette nouvelle mesure ouvre un nouvel espace politique. Après des semaines de nationalisation du traitement de la crise, cristallisée autour de la figure centrale et régalienne du Président jupitérien et des administrations centrales d’Etat et de leurs relais en région (préfets, ARS), le retour de l’échelon local et de la parole des collectivités territoriales augure peut-être enfin une certaine décentralisation plus conforme aux réalités de terrain.

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