Parmi les secteurs les plus frappés par la crise du Covid-19, le transport aérien cristallise des réactions très marquées dans l’opinion. Le soutien financier de l’Etat à la compagnie Air France à hauteur de 7 milliards d’euros a ainsi suscité des réactions outrées de la part des adversaires des privatisations (ceux-ci y voyant la marque d’un « capitalisme de connivence »), quand d’autres, issus notamment de la mouvance écologiste, s’indignent d’un non-sens environnemental ; en raison notamment de la relance des vols intérieurs, dans un contexte de fermetures des frontières et d’entraves aux voyages internationaux.
Au-delà des termes de ce débat, la situation inspire les tenants de la décroissance. Car la mise à l’arrêt des compagnies aériennes, tout comme la fin du tourisme de masse, les limites posées au commerce mondial et au secteur du transport en général donnent à la mouvance de l’écologie politique l’occasion d’espérer une absence de reprise de ces activités jugées trop polluantes. Si les écologistes radicaux « n’ont pas vu venir la crise » du Covid-19, « ils la connaissaient en théorie » selon la formule de Pablo Servigne, auteur du best-seller Comment tout peut s’effondrer paru en 2015, et l’une des figures de proue de la « collapsologie » en France. Ce mouvement d’idées qui remonte au moins au célèbre rapport du Club de Rome de 1972, plaide contre la société de consommation et prédit un effondrement de la civilisation « thermo-industrielle » en raison de l’effet conjugué de l’épuisement des ressources naturelles et du réchauffement climatique. L’effondrement du cours du pétrole a aussi paru lui donner raison sur toute la ligne, quant à la trop grande dépendance de l’économie mondiale à l’or noir. D’une certaine manière, celui-ci vit son moment de « divine surprise ». Un moment qu’il souhaitera faire durer en inscrivant le respect de l’environnement et la décroissance comme de nouvelles normes indépassables. Sans craindre de sacrifier des emplois, au nom de l’impératif environnemental.