Le 30 avril dernier, le gouvernement, par la voix de Sibeth Ndiaye a mis en ligne un espace dédié sur sa plateforme (gouvernement.fr) intitulé “désinfox coronavirus”. Dans son tweet de relai, Sibeth Ndiaye met en avant la nécessité, dans un contexte marquée par une “propagation de fake news”, de “se fier à des sources d’informations sûres et vérifiées”. Pour ce faire, le gouvernement agrège sur cette plateforme différents articles de fact checking. Il s’agit uniquement d’un travail de sourcing sans qu’à un aucun moment le gouvernement n’intervienne dans le processus de fact checking lui-même. Bien évidemment, et c’est un truisme que de la rappeler, le choix des articles, pour sa part, et sans tomber dans une vision téléologique de la chose, n’est pas neutre.
Pour continuer dans les mots anglo-saxons il y a, à n’en pas douter du cherry-picking dans les informations ainsi mises en avant et en valeur par le gouvernement. En se détachant de la partie analyse du dispositif, qui objectivement n’a rien de très sophistiqué, et dont les ambitions et l’influence ne dépasseront guère l’effet d’annonce du 30 avril dernier, on peut s’interroger sur les ressorts philosophiques, sociologiques et communicationnels de cette démarche. Dans la foulée des ambitions de François Hollande et de son gouvernement, avec une focale mise, à l’ époque, tout particulièrement sur la radicalisation d’individus, dans laquelle l’exposition à des informations appréhendées comme frelatées était perçue comme déterminante, Emmanuel Macron a mis le faux à l’agenda médiatique, politique et législatif.
Avec la loi fake news et la loi cyber haine, encore que cette dernière ne soit, bien évidemment pas, réductible à la première, Emmanuel Macron a fait du rapport à la vérité, et de sa supposée dégradation au cours de ces dernières années, du fait notamment des réseaux sociaux, un marqueur symbolique fort. Pourtant, et comme le souligne d’ailleurs Jean-Baptiste Delhomme, ce ne sont pas les dispositifs qui manquent, des médias spécialisés dans le fact checking, jusqu’aux initiatives lancées, dans le contexte sanitaire présent, par Twitter et Facebook. Le travail est fait, et même bien fait par ces différents écosystèmes.
Quant aux effets sur le public de ces travaux de déconstruction personne n’a jusque-là fourni une étude probante permettant de les évaluer, et on peut toujours, de manière fort empirique, considérer que cela vaut mieux que rien. Quant à l’initiative gouvernementale, nous nous bornerons à souligner le fait que le tweet de Sibeth Ndiaye a suscité 683 retweets pour 6 800 réponses, un ratio qui témoigne d’une discussion nourrie sur le réseau social à l’oiseau gazouilleur, railleur et moqueur !