Outre le spectacle des drones survolant les villes, la présence des forces de l’ordre dans les rues chargées de faire respecter le confinement et l’inquiétude soulevée par l’application Stopcovid concernant le respect de la vie privée de ses utilisateurs, la mise en ligne d’une page de « fact checking » sur le site du gouvernement suscite désormais des réactions critiques à l’encontre d’un virage autoritaire de l’Etat.
Pour certains, qui font notamment référence au « ministère de la Vérité » de 1984 de Georges Orwell, ce procédé s’apparenterait à une mise sous tutelle de la presse et des journalistes, digne de l’époque de l’ORTF et du ministère de l’Information d’Alain Peyrefitte. Un procédé d’autant plus malvenu que les réactions d’indignation abondent à l’égard de supposés mensonges de la part du gouvernement, sur les masques, sur les tests, sur la situation épidémiologique du pays ou sur les statistiques officielles. Et qui a valu dans le même temps une avalanche de critiques visant la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, de la part notamment des médias et des journalistes furieux de cette concurrence venue du sommet de l’Etat. Et ce d’autant que les contenus gênants pour lui, qui remettent en cause sa bonne gestion de la crise, ne s’y trouve pas, comme par un fait exprès.
A l’heure de l’information mondialisée et digitalisée, le contrôle de cette dernière n’est cependant plus l’apanage du politique et de l’Etat. Depuis plusieurs semaines, les géants du web ont déjà serré les vis sur leurs propres canaux. Twitter favorise les informations de certaines sources dans sa version mobile (excluant la presse d’opinion au profit des grands quotidiens et des comptes officiels), quand la plateforme de blogging Medium a de son côté banni les contenus niant l’efficacité de la distanciation sociale. Google et YouTube renvoient systématiquement vers des pages spécifiques pour toute recherche autour du Covid19. D’autres réseaux sociaux, comme Facebook, WhatsApp, Viber ou Tik Tok, se prévalent de travailler avec l’OMS pour lutter contre les fake news. La polémique sur les relations entre l’organisation internationale et Pékin auront cependant montré combien la science était empreinte parfois de considération politique – loin de la neutralité axiologique à laquelle celle-ci prétend.
A n’en pas douter, ces acteurs entendent ainsi agir pour la bonne cause, tout comme le gouvernement français entend lui-même agir pour la santé publique. Si les récits alternatifs faisant de Bill Gates le responsable de la pandémie ou ceux affirmant que les antennes 5G propagent le virus doivent en effet être combattus, toute tentative de contrôle de l’information par le gouvernement – celui-ci ne pouvant être animé que par de bonnes intentions – doit cependant laisser songeur. Surtout dans une période comme celle-ci, marquée par un recul (nécessaire) de toutes les libertés publiques et individuelles.