Comment percevoir la dissolution du consensus, à compter que ce dernier ait réellement existé au demeurant, concernant l’appréhension par les Français de la politique de confinement menée par le gouvernement ? Il y a les sondages, indéniablement, ces photographies plus ou moins fidèles à la réalité, les focus groups qui, confinement et restrictions sanitaires obligent, n’ont guère plus cours, et puis il y a Twitter et ses hashtags qui n’ont jamais été aussi foisonnants que maintenant.
Alors d’aucuns y verront de l’anecdotique, de l’écume et du trivial, dans lesquels, des analystes en mal de capteurs pour comprendre l’opinion, se jetteraient par facilité comme autant de pis-aller. Pourtant, et après plus d’un mois d’analyse quotidienne de l’opinion, il nous apparaît que derrière ces phénomènes et ces manifestations, qui se cristallisent à un moment donné, avant de disparaître, avec plus ou moins de célérité, se joue une compréhension diachronique et dynamique de l’opinion.
Comment procéderont les historiens et les sociologues qui dans les années à venir chercheront à restituer l’esprit du temps, irrémédiablement, disparu et, par-là même, inaccessible. Certains analyseront les cahiers de confinement, que les grandes maisons d’édition publieront au kilo à la rentrée, et où peut-être quelques Goncourt, Renaudot et autre Femina se trouvent certainement, d’autres le traitement médiatique. Pourtant dans les deux cas les écueils sont considérables, et pas qu’au seul niveau méthodologique. Sur les premiers, nous ne dirons rien, car les critiques en amont sont, à n’en pas douter, tout aussi biaisées, déformées et vaines, que ne le seront lesdites productions littéraires, quant au second, si l’intérêt est réel, les médias ratent quelque peu le sel de l’opinion ou ne le restituent que de manière imparfaite. Ne peuvent comprendre la fissure dans l’édifice, déjà vermoulu et craquelé, de la politique gouvernementale de confinement ceux qui ne s’intéresseront pas au “#RendezNousLaMer” et autres “RendezNousNosPlages”.
Les quelques milliers d’utilisateurs que ces capsules sémantiques et narratives agrègent sont autant de révélateurs de l’air du temps, de ces bruissements qui s’échangent, à bonne distance, dans nos échanges quotidiens du monde physique et qui percolent, avec plus ou moins de fidélité, sur les réseaux sociaux. Autant de manifestations de ce trivial et de cet exprimé, sans barrière, ni problématiques imposées, que seuls ces espaces anomiques permettent de recevoir et par-là même de percevoir. L’histoire du (dé)confinement est moins dans la parole gouvernementale que dans l’anecdotique manifesté par ces hashtags préemptés par ceux qui veulent retourner à la mer. Quand les Français, enfin ceux ayant un compte Twitter, commencent à se questionner sur la logique qui d’un côté autorise la réouverture du magasin de bricolage de la zone commerciale, mais interdit l’accès à la forêt et aux plages, à n’en pas douter cela est révélateur d’une bascule, dont les jours qui viennent nous permettront d’évaluer la force.