Le déconfinement, politique sanitaire et croyance morale

Le confinement était un levier sanitaire pour « aplatir la courbe » de l’épidémie. Il s’impose de plus en plus comme un problème moral et politique, au seul prisme duquel juger de l’efficacité de la politique de l’exécutif (qu’importe les conséquences négatives qu’il engendre), et autour duquel semble dans le même temps se cristalliser l’ensemble des facettes du mal-être français.
le deconfinement, politique sanitaire et croyance morale

Le ministre de la Santé Olivier Veran a clos hier le débat relatif à l’ouverture des parcs et jardins en zone rouge (et donc à Paris) en rappelant la nécessité de limiter les rassemblements de personnes pour éviter toute reprise de l’épidémie. Pour appuyer ses dires, le ministre s’est notamment appuyé sur le spectacle offert la veille par ces Parisiens rassemblés sur les bords du canal Saint-Martin. La preuve, selon lui, qu’une ouverture des espaces verts de la capitale serait prématurée. Et ce alors que le métro et le RER fonctionnent, feint de s’étonner la maire de Paris Anne Hidalgo, qui plaide quant à elle pour la réouverture des jardins publics.

Les mêmes images de badauds se prélassant sur les quais de Seine avaient justifié il y a quelques mois la mise sous cloche complète du pays. Tout au long du confinement, les innombrables polémiques sur les entorses aux règles sanitaires commises par les riches, les immigrés, les jeunes ou les Parisiens ont été répétés ad nauseam sur les réseaux sociaux. Faut-il s’étonner dès lors que 61% des Français considèrent que leurs concitoyens se sont mal comportés au cours des dernières semaines (un record en Europe), et ce alors même que le confinement a paru bien respecté sur l’ensemble du territoire ? S’il y eut des héros durant cette période, ceux du « quotidien » et ceux des hôpitaux, l’époque a aussi fabriqué ses propres « salauds » : jouisseurs égoïstes profitant du beau temps, prétendus privilégiés, inconscients qui mettent en péril la communauté dans son ensemble par des comportements individualistes.

Le confinement était un levier sanitaire pour « aplatir la courbe » de l’épidémie. Il s’impose de plus en plus comme un problème moral et politique, au seul prisme duquel juger de l’efficacité de la politique de l’exécutif (qu’importe les conséquences négatives qu’il engendre), et autour duquel semble dans le même temps se cristalliser l’ensemble des facettes du mal-être français. Et notamment du rapport compliqué qu’entretiennent les Français à l’Etat, au centralisme et à l’autorité. Les hélicoptères survolant le littoral pour appréhender des plagistes isolés “quoi qu’il en coûte”, les contrôles de police, la multiplication des attestations requises pour se déplacer sur le territoire national ou la multiplication des interdictions apparaissent entretenir des rapports de plus en plus lointains avec les impératifs de la santé publique, en se plaçant de plus en plus sous le registre univoque du simple contrôle social. Une démarche justifiée par la distinction manichéenne entre les bons et les mauvais Français, qui semble désormais structurer toute approche du problème. Et que la perspective d’un reconfinement agitée comme une punition ultime, tout comme la méfiance que les Français se portent entre eux, semble pourtant légitimer.

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Quant au sentiment d’être uni face au même destin, qui devait s’exprimer dans les salves d’applaudissement quotidiennes de 20h, il a depuis longtemps volé en éclat sous le coup d’innombrables fractures sociales et idéologiques.