Nous ne cherchons plus à savoir si une idée est juste, mais si elle fera souffrir telle communauté​

Date

22 novembre 2019

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Résumé

Le postulat victimaire. Il consiste à évaluer une idée ou une affirmation à l’aune de la souffrance qu’elle cause à telle communauté ou de l’affront à telle identité imaginaire. Les idées ne sont plus soumises au critère de vérification mais de réception : ça fait mal ? D’où le besoin d’en contrôler la diffusion.

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22 novembre 2019

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Résumé

Le postulat victimaire. Il consiste à évaluer une idée ou une affirmation à l’aune de la souffrance qu’elle cause à telle communauté ou de l’affront à telle identité imaginaire. Les idées ne sont plus soumises au critère de vérification mais de réception : ça fait mal ? D’où le besoin d’en contrôler la diffusion.

Agacinski, Finkielkraut, Zemmour, Sifaoui, Zineb El Rhazoui et, pour des raisons moins doctrinales, Polanski. Tous, qui ne disent certes pas la même chose, ont en commun le silence dont ils sont menacés. De belles âmes (de Nutella aux plus modestes pétitionnaires) le réclament de la justice, de l’administration ou des médias. Notamment, comme l’a remarqué Philippe Guibert, au nom de l’héritage de Mai 68. Outre qu’il est paradoxal que Mai soit le seul « héritage » encore à respecter, il est bizarre que « il est interdit d’interdire » devienne « censurer sans entraves ». C’est une évolution passablement cynégétique – chasse aux déviants- de pratiques que l’on croyait libératrices.

Bien sûr, tous ces suspects peuvent encore écrire ou fréquenter des plateaux de télévision. Là, avant le clash qui fera le buzz, ils entendront le rituel : « Ne nous assommez pas avec votre on ne peut plus rien dire, la preuve : vous êtes à l’antenne ». Mais ils sont placés en situation de défense, confrontés à des accusateurs, et devant toujours se justifier : sous-entendus, faux degrés d’interprétation, complicité objective qu’ils entretiendraient avec les forces du mal, peurs et des haines qu’ils déclencheraient. Avant de parler, ils doivent prouver d’où ils parlent et où ces paroles pourrait retomber. Ce préalable asymétrique (personne ne soumet à pareil examen les tenants du politiquement correct), montre combien une idéologie dominante se défend aussi par interdits et soupçons.

Crimepensée

Le rétablissement de la crimepensée au nom de la post-gauche (celle qui ne veut plus changer le monde, mais les âmes des phobes et haineux) nous semble reposer sur trois postulats qui ont mis quelques décennies à s’imposer.

Le postulat d’irréversibilité. L’État de droit libéral, le mariage pour tous et la PMA, l’ouverture européenne et multiculturelle, la tragédie du réchauffement climatique, etc. sont définitivement entrés et dans les faits et dans les cerveaux. Ce sont des cliquets d’irréversibilité. Toute critique à cette égard est non seulement réactionnaire (jusque-là on peut admettre), mais c’est une non-pensée. Elle est socialement dangereuse et s’exclut ipso facto du champs du débat. Ce dernier ne peut porter que sur l’approfondissement de ce qui est. Et implique la liquidation des dernières poches de domination, dans la tête des gens.

Le postulat de réceptivité des masses (sur lesquelles décidément on ne peut plus compter). Elles ne peuvent bien voter, c’est-à-dire soutenir les élites bienveillantes, que protégées du faux (fake news), rassurées (on pourrait surfer sur leurs peurs) et convenablement protégées des pseudo-idées qui sont des incitation à la haine. Isoler leur cerveau des contagions populistes, complotistes ou autres incitations, c’est protéger la démocratie et nos valeurs.

Le postulat victimaire. Il consiste à évaluer une idée ou une affirmation à l’aune de la souffrance qu’elle cause à telle communauté ou de l’affront à telle identité imaginaire. Les idées ne sont plus soumises au critère de vérification mais de réception : ça fait mal ? D’où le besoin d’en contrôler la diffusion. Ce processus fait partie de l’américanisation de la vie intellectuelle française : les principes de politiquement correct et de respect des sensibilités chers aux universités américaines. Toute pensée qui fait obstacle à une identité, héritée ou choisie, vaut oppression. Elle ne peut donc être – on en revient au même – qu’une pensée mais une action agressive. Donc punissable.

Et si tous les postulats de la post gauche relevaient d’une forme d’idéalisme ? Pour lui, les pensées perverses sont puissantes, elles naissent absurdement dans certaines cervelles, ils faut donc les faire disparaître pour abolir toutes les dominations. Élégante façon d’oublier les rapports sociaux au profit des rapports de censure.

Agacinski, Finkielkraut, Zemmour, Sifaoui, Zineb El Rhazoui et, pour des raisons moins doctrinales, Polanski. Tous, qui ne disent certes pas la même chose, ont en commun le silence dont ils sont menacés. De belles âmes (de Nutella aux plus modestes pétitionnaires) le réclament de la justice, de l’administration ou des médias. Notamment, comme l’a remarqué Philippe Guibert, au nom de l’héritage de Mai 68. Outre qu’il est paradoxal que Mai soit le seul « héritage » encore à respecter, il est bizarre que « il est interdit d’interdire » devienne « censurer sans entraves ». C’est une évolution passablement cynégétique – chasse aux déviants- de pratiques que l’on croyait libératrices.

Bien sûr, tous ces suspects peuvent encore écrire ou fréquenter des plateaux de télévision. Là, avant le clash qui fera le buzz, ils entendront le rituel : « Ne nous assommez pas avec votre on ne peut plus rien dire, la preuve : vous êtes à l’antenne ». Mais ils sont placés en situation de défense, confrontés à des accusateurs, et devant toujours se justifier : sous-entendus, faux degrés d’interprétation, complicité objective qu’ils entretiendraient avec les forces du mal, peurs et des haines qu’ils déclencheraient. Avant de parler, ils doivent prouver d’où ils parlent et où ces paroles pourrait retomber. Ce préalable asymétrique (personne ne soumet à pareil examen les tenants du politiquement correct), montre combien une idéologie dominante se défend aussi par interdits et soupçons.

Crimepensée

Le rétablissement de la crimepensée au nom de la post-gauche (celle qui ne veut plus changer le monde, mais les âmes des phobes et haineux) nous semble reposer sur trois postulats qui ont mis quelques décennies à s’imposer.

Le postulat d’irréversibilité. L’État de droit libéral, le mariage pour tous et la PMA, l’ouverture européenne et multiculturelle, la tragédie du réchauffement climatique, etc. sont définitivement entrés et dans les faits et dans les cerveaux. Ce sont des cliquets d’irréversibilité. Toute critique à cette égard est non seulement réactionnaire (jusque-là on peut admettre), mais c’est une non-pensée. Elle est socialement dangereuse et s’exclut ipso facto du champs du débat. Ce dernier ne peut porter que sur l’approfondissement de ce qui est. Et implique la liquidation des dernières poches de domination, dans la tête des gens.

Le postulat de réceptivité des masses (sur lesquelles décidément on ne peut plus compter). Elles ne peuvent bien voter, c’est-à-dire soutenir les élites bienveillantes, que protégées du faux (fake news), rassurées (on pourrait surfer sur leurs peurs) et convenablement protégées des pseudo-idées qui sont des incitation à la haine. Isoler leur cerveau des contagions populistes, complotistes ou autres incitations, c’est protéger la démocratie et nos valeurs.

Le postulat victimaire. Il consiste à évaluer une idée ou une affirmation à l’aune de la souffrance qu’elle cause à telle communauté ou de l’affront à telle identité imaginaire. Les idées ne sont plus soumises au critère de vérification mais de réception : ça fait mal ? D’où le besoin d’en contrôler la diffusion. Ce processus fait partie de l’américanisation de la vie intellectuelle française : les principes de politiquement correct et de respect des sensibilités chers aux universités américaines. Toute pensée qui fait obstacle à une identité, héritée ou choisie, vaut oppression. Elle ne peut donc être – on en revient au même – qu’une pensée mais une action agressive. Donc punissable.

Et si tous les postulats de la post gauche relevaient d’une forme d’idéalisme ? Pour lui, les pensées perverses sont puissantes, elles naissent absurdement dans certaines cervelles, ils faut donc les faire disparaître pour abolir toutes les dominations. Élégante façon d’oublier les rapports sociaux au profit des rapports de censure.

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