La conflictualité informationnelle à l’ère du digital

Auteur(s)

Date

2 juillet 2017

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Résumé

En venant briser la réputation et l’autorité d’un candidat, en venant saper les fondements du discours officiel et légitime d’un État, les fake news et autres logiques de désinformation, viennent mettre au jour l’idée d’un espace public souverain potentiellement sous influence d’acteurs exogènes.

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2 juillet 2017

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Résumé

En venant briser la réputation et l’autorité d’un candidat, en venant saper les fondements du discours officiel et légitime d’un État, les fake news et autres logiques de désinformation, viennent mettre au jour l’idée d’un espace public souverain potentiellement sous influence d’acteurs exogènes.

Le nouveau paradigme informationnel qui est en train de se structurer problématise radicalement la nature du conflit dans nos sociétés contemporaines. Plus que jamais l’information devient la ressource majeure venant nourrir des situations agonistiques de nature diverse (politique, économique, associative….). Pour les acteurs impliqués dans ces conflits informationnels le rapport à l’information est dual, puisqu’il s’agit tout à la fois d’être en capacité de collecter de l’information, qu’elle soit blanche, grise ou noire pour reprendre une classification forgée par l’écosystème de l’intelligence économique, et par la suite de parvenir à élaborer une stratégie d’ingénierie sociale et digitale destinée à disséminer et à distiller ce contenu auprès des bonnes communautés.

Les Macron Leaks, encore que l’expression en question soit éminemment problématique puisque nous n’avons pas affaire à des fuites mais bel et bien à un piratage des mails d’une partie de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron(1), témoignent, par exemple, parfaitement de cette articulation entre captation et dissémination de l’information en vue de déstabiliser un candidat à l’élection présidentielle.

Au cours de ces derniers mois, avec l’élection américaine de novembre 2016 ou, de manière plus centrée sur l’actualité politique française, suite à l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, la problématique de la désinformation a innervé une partie substantielle des rédactions et une frange spécifique de la discussion sur les réseaux sociaux. Les fake news sont ainsi devenues un véritable buzzword utilisé pour qualifier les divers phénomènes ressortant de logiques de déstabilisation fondées sur l’élaboration d’un récit alternatif basé sur l’utilisation volontairement fallacieuse d’un fait ou d’un événement, ou sur l’élaboration là encore volontaire d’un « storytelling noir »(2) destiné à mettre sur le devant de la scène un faux récit à même de tromper des segments de l’opinion.

En apparence, la littérature autour de ce sujet est déjà relativement bien nourrie. En témoignent notamment les nombreux articles publiés ces derniers mois faisant suite à la prétendue émergence d’un phénomène jusque-là inconnu : les « fake news ». Or, le traitement de ce phénomène, selon nous, s’est contenté de rester uniquement à la surface de l’enjeu, sans jamais être en capacité de mettre au jour les soubassements sociologiques, philosophiques, communicationnels et politiques de ce nouveau rapport entretenu par nos sociétés avec la vérité.

Notre conviction est que les fake news ne sauraient se résumer à une approche morale ou encore moins à une approche alliant maladroitement ironie et dénonciation. Sont-elles l’œuvre d’individus cyniques (à la manière de Roger Stone, conseiller sulfureux de Donald Trump) désireux de délaisser la voie traditionnelle de la communication, celle qui consiste à accorder la primauté à la force de persuasion et au logos comme élément central de toute confrontation politique, pour au contraire privilégier la déstabilisation comme principal ressort ?

Lire la suite sur Medium.

Le nouveau paradigme informationnel qui est en train de se structurer problématise radicalement la nature du conflit dans nos sociétés contemporaines. Plus que jamais l’information devient la ressource majeure venant nourrir des situations agonistiques de nature diverse (politique, économique, associative….). Pour les acteurs impliqués dans ces conflits informationnels le rapport à l’information est dual, puisqu’il s’agit tout à la fois d’être en capacité de collecter de l’information, qu’elle soit blanche, grise ou noire pour reprendre une classification forgée par l’écosystème de l’intelligence économique, et par la suite de parvenir à élaborer une stratégie d’ingénierie sociale et digitale destinée à disséminer et à distiller ce contenu auprès des bonnes communautés.

Les Macron Leaks, encore que l’expression en question soit éminemment problématique puisque nous n’avons pas affaire à des fuites mais bel et bien à un piratage des mails d’une partie de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron(1), témoignent, par exemple, parfaitement de cette articulation entre captation et dissémination de l’information en vue de déstabiliser un candidat à l’élection présidentielle.

Au cours de ces derniers mois, avec l’élection américaine de novembre 2016 ou, de manière plus centrée sur l’actualité politique française, suite à l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, la problématique de la désinformation a innervé une partie substantielle des rédactions et une frange spécifique de la discussion sur les réseaux sociaux. Les fake news sont ainsi devenues un véritable buzzword utilisé pour qualifier les divers phénomènes ressortant de logiques de déstabilisation fondées sur l’élaboration d’un récit alternatif basé sur l’utilisation volontairement fallacieuse d’un fait ou d’un événement, ou sur l’élaboration là encore volontaire d’un « storytelling noir »(2) destiné à mettre sur le devant de la scène un faux récit à même de tromper des segments de l’opinion.

En apparence, la littérature autour de ce sujet est déjà relativement bien nourrie. En témoignent notamment les nombreux articles publiés ces derniers mois faisant suite à la prétendue émergence d’un phénomène jusque-là inconnu : les « fake news ». Or, le traitement de ce phénomène, selon nous, s’est contenté de rester uniquement à la surface de l’enjeu, sans jamais être en capacité de mettre au jour les soubassements sociologiques, philosophiques, communicationnels et politiques de ce nouveau rapport entretenu par nos sociétés avec la vérité.

Notre conviction est que les fake news ne sauraient se résumer à une approche morale ou encore moins à une approche alliant maladroitement ironie et dénonciation. Sont-elles l’œuvre d’individus cyniques (à la manière de Roger Stone, conseiller sulfureux de Donald Trump) désireux de délaisser la voie traditionnelle de la communication, celle qui consiste à accorder la primauté à la force de persuasion et au logos comme élément central de toute confrontation politique, pour au contraire privilégier la déstabilisation comme principal ressort ?

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