L’« infodémie » : derrière le coronavirus, la guerre de l’information
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Résumé
Le thème d'une guerre mondiale d'influence - désigner le coupable à l'épidémie et imaginer l'ordre d'après - mobilise des catégories mentales connues, mais cette fois l'enjeu des "cœurs et des esprits" coïncide avec une énorme redistribution de puissance.
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Le thème d'une guerre mondiale d'influence - désigner le coupable à l'épidémie et imaginer l'ordre d'après - mobilise des catégories mentales connues, mais cette fois l'enjeu des "cœurs et des esprits" coïncide avec une énorme redistribution de puissance.
Comme au temps de la Guerre froide, mais dans une autre configuration médiologique, nous assistons à une guerre de l’information : celle de l' »infodémie », une pandémie informationnelle.
Demain la Chine ? Après la pandémie, le panda remplacerait l’aigle comme symbole de l’hégémonie mondiale ? Contre une Amérique divisée et isolationniste et face à une Europe dépassée ? Pas certain, jugent certains : à cause de la crise du pétrole (Joseph Nye), ou parce que les autocraties suscitent moins de confiance que les démocraties (Fukuyama), ou encore parce que les mensonges de Pékin lui auront fait perdre du prestige (les Échos) ?
La réponse dépendra d’une guerre de l’information est/ouest. Comme au temps de la Guerre froide, mais dans une autre configuration médiologique.
Vue de Chine, la situation se présente probablement ainsi :
– Cafouillage initial : l’information remonte mal, on cache, on punit les lanceurs d’alertes, on isole Wuhan, des rumeurs partent dans tous les sens, il y a des protestations, une perte d’image internationale.
Infodémie
Le virus suit ironiquement les Nouvelles Routes de la Soie, le grand projet d’expansion chinois
– La pandémie devient mondiale et la planète s’intéresse à Wuhan.
– La situation s’améliore en Chine, pendant qu’elle devient abominable partout ailleurs (pour simplifier à l’extrême).
– Il faut penser au jour d’après en termes géopolitiques, donc de soft power (prestige et influence).
Le PCC doit répondre par un discours convaincant :
1) L’épidémie est partie de notre pays mais notre réaction énergique – fût-ce au prix de restrictions des libertés – a retardé la propagation de Cov-19 et donné aux autres nations un exemple et un répit qu’elles ont mal exploitées ( et ce, au moment où beaucoup d’Occidentaux reprochent au contraire à l’autoritarisme chinois d’avoir aggravé la contagion aux débuts).
2) Techniquement et politiquement, notre méthode est plus efficace et nous ne demandons qu’à aider d’autres pays (via les Routes de la soie sanitaires).
3) Idéologiquement notre système est meilleur, seuls des héritiers de la Guerre froide peuvent le dénier.Notre modèle est universel.
Sur le triple front de la responsabilité (pas notre faute), de l’efficacité (les meilleurs) et de la rivalité (défendons nous contre la propagande de l’ouest), le message fonctionne.
Il lui faut des médias et des médiations. Pour mener une version 2.0 la vieille diplomatie publique des années 60 (défense d’un modèle politique et déstabilisation idéologique de l’autre camp).
Outre les diplomates chinois qui interviennent beaucoup et les médias d’influence internationaux, une forte présence chinoise (ou sinophile) se développe sur les réseaux sociaux (ainsi sur Twitter). Elle se manifeste en jeu défensif et en offensif : en se justifiant de diffuser de la propagande et en répandant un contre-discours accusatoire (par exemple : des militaires américains venus pour une compétition en Chine seraient à l’origine de la contamination).
Guerre de l’information
Mais cette rhétorique rencontre plusieurs obstacles. Le premier est politique. À des degrés divers, Macron, Johnson ou Trump ont fustigé désinformation ou silences chinois. Et les élites occidentales ne sont prêtes ni à s’esbaudir devant l’efficacité de Pékin, ni à trop vite l’exonérer de toute responsabilité, ni à passer comme pertes et profits le discours sur les droits de l’homme et le Big Brother asiatique. La fonction répulsive des pays autoritaires est trop intégrée et l’effet sur l’opinion serait déplorable.
Par ailleurs, la dénonciation de la désinformation russe – suspecte, via les réseaux sociaux, d’interférer dans les élections (Trump, Brexit…) et de nourrir les fantasmes politiques par des fake news – est déjà banalisée. Toutes les rumeurs ou théories conspirationnistes sont vite attribuées au Kremlin. Mais le raisonnement peut facilement se transposer à la Chine. Ainsi le Global Engagement Center (organe du département d’État chargé de combattre la propagande idéologique hostile) dénonce dans un rapport la Chine, la Russie et l’Iran. Ils sont coupables de répandre des thèses conspirationnistes et anti-occidentales sur l’origine du virus (naturel, artificiel, fuité d’un laboratoire…). Et de mener une action subversive dans l’anonymat des réseaux sociaux.
Le thème d’une guerre mondiale d’influence – désigner le coupable à l’épidémie et imaginer l’ordre d’après – mobilise des catégories mentales connues, mais cette fois l’enjeu des « cœurs et des esprits » coïncide avec une énorme redistribution de puissance.
Comme au temps de la Guerre froide, mais dans une autre configuration médiologique, nous assistons à une guerre de l’information : celle de l' »infodémie », une pandémie informationnelle.
Demain la Chine ? Après la pandémie, le panda remplacerait l’aigle comme symbole de l’hégémonie mondiale ? Contre une Amérique divisée et isolationniste et face à une Europe dépassée ? Pas certain, jugent certains : à cause de la crise du pétrole (Joseph Nye), ou parce que les autocraties suscitent moins de confiance que les démocraties (Fukuyama), ou encore parce que les mensonges de Pékin lui auront fait perdre du prestige (les Échos) ?
La réponse dépendra d’une guerre de l’information est/ouest. Comme au temps de la Guerre froide, mais dans une autre configuration médiologique.
Vue de Chine, la situation se présente probablement ainsi :
– Cafouillage initial : l’information remonte mal, on cache, on punit les lanceurs d’alertes, on isole Wuhan, des rumeurs partent dans tous les sens, il y a des protestations, une perte d’image internationale.
Infodémie
Le virus suit ironiquement les Nouvelles Routes de la Soie, le grand projet d’expansion chinois
– La pandémie devient mondiale et la planète s’intéresse à Wuhan.
– La situation s’améliore en Chine, pendant qu’elle devient abominable partout ailleurs (pour simplifier à l’extrême).
– Il faut penser au jour d’après en termes géopolitiques, donc de soft power (prestige et influence).
Le PCC doit répondre par un discours convaincant :
1) L’épidémie est partie de notre pays mais notre réaction énergique – fût-ce au prix de restrictions des libertés – a retardé la propagation de Cov-19 et donné aux autres nations un exemple et un répit qu’elles ont mal exploitées ( et ce, au moment où beaucoup d’Occidentaux reprochent au contraire à l’autoritarisme chinois d’avoir aggravé la contagion aux débuts).
2) Techniquement et politiquement, notre méthode est plus efficace et nous ne demandons qu’à aider d’autres pays (via les Routes de la soie sanitaires).
3) Idéologiquement notre système est meilleur, seuls des héritiers de la Guerre froide peuvent le dénier.Notre modèle est universel.
Sur le triple front de la responsabilité (pas notre faute), de l’efficacité (les meilleurs) et de la rivalité (défendons nous contre la propagande de l’ouest), le message fonctionne.
Il lui faut des médias et des médiations. Pour mener une version 2.0 la vieille diplomatie publique des années 60 (défense d’un modèle politique et déstabilisation idéologique de l’autre camp).
Outre les diplomates chinois qui interviennent beaucoup et les médias d’influence internationaux, une forte présence chinoise (ou sinophile) se développe sur les réseaux sociaux (ainsi sur Twitter). Elle se manifeste en jeu défensif et en offensif : en se justifiant de diffuser de la propagande et en répandant un contre-discours accusatoire (par exemple : des militaires américains venus pour une compétition en Chine seraient à l’origine de la contamination).
Guerre de l’information
Mais cette rhétorique rencontre plusieurs obstacles. Le premier est politique. À des degrés divers, Macron, Johnson ou Trump ont fustigé désinformation ou silences chinois. Et les élites occidentales ne sont prêtes ni à s’esbaudir devant l’efficacité de Pékin, ni à trop vite l’exonérer de toute responsabilité, ni à passer comme pertes et profits le discours sur les droits de l’homme et le Big Brother asiatique. La fonction répulsive des pays autoritaires est trop intégrée et l’effet sur l’opinion serait déplorable.
Par ailleurs, la dénonciation de la désinformation russe – suspecte, via les réseaux sociaux, d’interférer dans les élections (Trump, Brexit…) et de nourrir les fantasmes politiques par des fake news – est déjà banalisée. Toutes les rumeurs ou théories conspirationnistes sont vite attribuées au Kremlin. Mais le raisonnement peut facilement se transposer à la Chine. Ainsi le Global Engagement Center (organe du département d’État chargé de combattre la propagande idéologique hostile) dénonce dans un rapport la Chine, la Russie et l’Iran. Ils sont coupables de répandre des thèses conspirationnistes et anti-occidentales sur l’origine du virus (naturel, artificiel, fuité d’un laboratoire…). Et de mener une action subversive dans l’anonymat des réseaux sociaux.
Le thème d’une guerre mondiale d’influence – désigner le coupable à l’épidémie et imaginer l’ordre d’après – mobilise des catégories mentales connues, mais cette fois l’enjeu des « cœurs et des esprits » coïncide avec une énorme redistribution de puissance.
Quand ceux qui n’ont plus rien partagent le symbole du grotesque et de la vengeance, leur défi nihiliste nous annonce un singulier retour du conflit.
Le chiffre global tétanise : 33.769 attentats «islamistes» (se réclamant d’un projet d’établissement de la charia et/ou du califat) ont couté la vie à au moins 167.096 personnes.
Les black blocs, groupe affinitaire et temporaire, excellent dans la programmation numérique de l’action physique. Nihilisme symbolique et individualisme surexcité, le tout sur fond de communautés numériques : c’est bien la troisième génération de la révolte dont parle Régis Debray : sans contre-projet, mais dans l’action comme révélation de soi.
Quand l’Iran se coupe de la Toile pour isoler ses activistes, il révèle une fracture bien plus profonde.