Les idéologies aussi sont des virus : lesquelles seront les plus contagieuses après la crise ?

Date

11 mai 2020

Partager

Résumé

Plus on pensera monde d'après, plus on risquera d'être bloqué sur le monde d'avant. La prévisibilité de nos idées est elle-même un facteur paradoxal d'imprévisiblité.

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11 mai 2020

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Résumé

Plus on pensera monde d'après, plus on risquera d'être bloqué sur le monde d'avant. La prévisibilité de nos idées est elle-même un facteur paradoxal d'imprévisiblité.

Adopter une idéologie – ce que nous avons tous fait – présente un avantage : tout ramener aux mêmes causes premières, désigner toujours le même mal et reprendre les mêmes solutions. L’idéologie c’est l’anti-surprise. Mais lesquelles empocheront la mise après la crise du coronavirus ?

Adopter une idéologie – ce que nous avons tous fait – présente un avantage : tout ramener aux mêmes causes premières, désigner toujours le même mal et reprendre les mêmes solutions. L’idéologie c’est l’anti-surprise.

La pandémie n’a pas infirmé la règle.

Écologisme ?

L’écologisme rattache le très naturel virus Covid-19 au réchauffement climatique et aux maléfices du productivisme. Voir les cent solutions de Nicolas Hulot ou le manifeste des riches, beaux et puissants (Madonna, Binoche, de Niro..) militant pour que plus rien ne soit comme avant et contre le matérialisme consumériste. La rhétorique du « autrement » (penser autrement, nouveau paradigme, apprendre de nos erreurs, ne pas retourner à la normale, s’extraire de la logique intenable qui prévaut, transformation radicale) et l’impératif du moindre mal mêlent truisme et moralisme (en zappant la question du pouvoir). Ce qui les rend attirants.

Anticapitalisme ?

Un discours anticapitaliste, plutôt partageux, bien résumé par la déclaration très relayée de J. Lindon. Coupable : le néolibéralisme qui a détruit l’État protecteur. Solution : sanctionner les riches, subventionner et restaurer le service public. Provisoirement les autres thématiques sociétales – féminisme, antiracisme, immigrés… – passent au second plan. Retour au fiscal et au social. C’est un peu clérical.

Souverainisme ?

Le souverainisme se trouve réduit au registre du je vous l’avais bien dit : « il fallait des frontières, un État stratège, la souveraineté politique, économique et technique, de l’autonomie et des protections« . Nostalgie qui peut trouver trouver une amère confirmation dans l’impuissance européenne ou dans la décisions de la cour constitutionnelle allemande contre la BCE. Scrogneugneu mais guère de perspectives.

Libéralisme ?

Quant au discours libéral ou social libéral, il oscille entre une volonté assez droitière de revenir aux fondamentaux (bonne gestion économique, équilibre budgétaire, discipline monétaire, éviter l’inflation, travailler, produire…) et un lyrisme inspiré du moralisme de gauche. Variante : prôner du même en mieux : une vraie solidarité et une vraie souveraineté européenne, plus quelques considérations sur l’être, l’avoir et le pouvoir (à la manière de D. Strauss-Kahn). Le « et en même temps » macronien – conciliant l’autorité (il n’y a pas le choix) et la séduction (réinventons l’avenir) – répond aux mêmes nécessités.

Qui gagnera ?

Qui gagnera ? Quelles idées se propageront sur fond de conjonction des crises ? L’écologie peut profiter d’un effet panique : dans un monde terrifiant, elle jouera les forces de préservation de la vie et de la diminution du risque. Mais la fin du mois, c’est bien connu, fait oublier la fin du monde. La protestation de gauche peut s’adresser à une opinion revendicatrice et en quête de protection. Mais nul ne sait vraiment où se dirigera une France périphérique et fragilisée, celle qui souffrira le plus le jour d’après. Le discours souverainiste se heurtera à l’argument de l’urgence : l’État est intervenu pour nous sauver, c’est le chaos international, nous sommes de plus en plus dépendants… Quant au discours libéral, qui, paradoxalement, appuie une politique de contrôle assez bureaucratique et liberticide, il trouvera ses alliés naturels chez ceux qui auront peur d’un enchaînement du chaos. Pour ses ennemis, ils ne détesteront pas davantage Macron après l’épidémie qu’avant, c’est à dire énormément. Mais ils auront moins à perdre.

Sur le front économique et écologique, nationale, identitaire, social…, nous assisterons sans doute plus à un durcissement des conflits existants qu’à de grands reclassements. Durcissement jusqu’où ? Les deux passions majeures de la peur et de la colère trouveront un terrain favorable. Mais les moyens de contrôle et la tentation individualiste seront des freins puissants. Bref, plus on pensera monde d’après, plus on risquera d’être bloqué sur le monde d’avant. La prévisibilité de nos idées est elle-même un facteur paradoxal d’imprévisiblité.

Adopter une idéologie – ce que nous avons tous fait – présente un avantage : tout ramener aux mêmes causes premières, désigner toujours le même mal et reprendre les mêmes solutions. L’idéologie c’est l’anti-surprise. Mais lesquelles empocheront la mise après la crise du coronavirus ?

Adopter une idéologie – ce que nous avons tous fait – présente un avantage : tout ramener aux mêmes causes premières, désigner toujours le même mal et reprendre les mêmes solutions. L’idéologie c’est l’anti-surprise.

La pandémie n’a pas infirmé la règle.

Écologisme ?

L’écologisme rattache le très naturel virus Covid-19 au réchauffement climatique et aux maléfices du productivisme. Voir les cent solutions de Nicolas Hulot ou le manifeste des riches, beaux et puissants (Madonna, Binoche, de Niro..) militant pour que plus rien ne soit comme avant et contre le matérialisme consumériste. La rhétorique du « autrement » (penser autrement, nouveau paradigme, apprendre de nos erreurs, ne pas retourner à la normale, s’extraire de la logique intenable qui prévaut, transformation radicale) et l’impératif du moindre mal mêlent truisme et moralisme (en zappant la question du pouvoir). Ce qui les rend attirants.

Anticapitalisme ?

Un discours anticapitaliste, plutôt partageux, bien résumé par la déclaration très relayée de J. Lindon. Coupable : le néolibéralisme qui a détruit l’État protecteur. Solution : sanctionner les riches, subventionner et restaurer le service public. Provisoirement les autres thématiques sociétales – féminisme, antiracisme, immigrés… – passent au second plan. Retour au fiscal et au social. C’est un peu clérical.

Souverainisme ?

Le souverainisme se trouve réduit au registre du je vous l’avais bien dit : « il fallait des frontières, un État stratège, la souveraineté politique, économique et technique, de l’autonomie et des protections« . Nostalgie qui peut trouver trouver une amère confirmation dans l’impuissance européenne ou dans la décisions de la cour constitutionnelle allemande contre la BCE. Scrogneugneu mais guère de perspectives.

Libéralisme ?

Quant au discours libéral ou social libéral, il oscille entre une volonté assez droitière de revenir aux fondamentaux (bonne gestion économique, équilibre budgétaire, discipline monétaire, éviter l’inflation, travailler, produire…) et un lyrisme inspiré du moralisme de gauche. Variante : prôner du même en mieux : une vraie solidarité et une vraie souveraineté européenne, plus quelques considérations sur l’être, l’avoir et le pouvoir (à la manière de D. Strauss-Kahn). Le « et en même temps » macronien – conciliant l’autorité (il n’y a pas le choix) et la séduction (réinventons l’avenir) – répond aux mêmes nécessités.

Qui gagnera ?

Qui gagnera ? Quelles idées se propageront sur fond de conjonction des crises ? L’écologie peut profiter d’un effet panique : dans un monde terrifiant, elle jouera les forces de préservation de la vie et de la diminution du risque. Mais la fin du mois, c’est bien connu, fait oublier la fin du monde. La protestation de gauche peut s’adresser à une opinion revendicatrice et en quête de protection. Mais nul ne sait vraiment où se dirigera une France périphérique et fragilisée, celle qui souffrira le plus le jour d’après. Le discours souverainiste se heurtera à l’argument de l’urgence : l’État est intervenu pour nous sauver, c’est le chaos international, nous sommes de plus en plus dépendants… Quant au discours libéral, qui, paradoxalement, appuie une politique de contrôle assez bureaucratique et liberticide, il trouvera ses alliés naturels chez ceux qui auront peur d’un enchaînement du chaos. Pour ses ennemis, ils ne détesteront pas davantage Macron après l’épidémie qu’avant, c’est à dire énormément. Mais ils auront moins à perdre.

Sur le front économique et écologique, nationale, identitaire, social…, nous assisterons sans doute plus à un durcissement des conflits existants qu’à de grands reclassements. Durcissement jusqu’où ? Les deux passions majeures de la peur et de la colère trouveront un terrain favorable. Mais les moyens de contrôle et la tentation individualiste seront des freins puissants. Bref, plus on pensera monde d’après, plus on risquera d’être bloqué sur le monde d’avant. La prévisibilité de nos idées est elle-même un facteur paradoxal d’imprévisiblité.

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