Com’ de crise : on a révisé la copie du gouvernement

Date

27 mai 2020

Partager

Résumé

Qu’est-ce qu’une crise ? Suivant les cas : l’aggravation brusque d’un état antérieur, la révélation d’une faiblesse, une perturbation fatale. Elle affecte tout le fonctionnement d’un organisme vivant. Ou un système psychique, une institution ou organisation (famille, communauté, entreprise, État). Au-delà du risque acceptable, des pertes et aléas supportables, ce système est remis en cause dans sa logique même : plus rien n’obéit aux codes habituels.

Date

27 mai 2020

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Résumé

Qu’est-ce qu’une crise ? Suivant les cas : l’aggravation brusque d’un état antérieur, la révélation d’une faiblesse, une perturbation fatale. Elle affecte tout le fonctionnement d’un organisme vivant. Ou un système psychique, une institution ou organisation (famille, communauté, entreprise, État). Au-delà du risque acceptable, des pertes et aléas supportables, ce système est remis en cause dans sa logique même : plus rien n’obéit aux codes habituels.

La crise appelle des messages. Et la capacité (ou pas) de faire comprendre qu’il y a crise, de dire ce que l’on fait contre elle, et pourquoi cela marchera : autant de domaines pour une rhétorique bien spécialisée dite « communication de crise ».

Qu’est-ce qu’un virus ? De l’information ! Ou plutôt de la désinformation. Cet agent infectieux de quelques microns – on discute s’il est vraiment vivant – a un code génétique. Donc une identité et souvent un nom. Il ne « veut » que se multiplier grâce à une cellule hôte. Il la pirate pour lui faire produire de nouvelles particules qui iront à leur tour dans d’autres cellules, pour que le code prolifère à l’infini. Parfois inoffensif (on utilise de « bons virus » à des fins thérapeutiques), il peut tuer la cellule piratée, voire l’organisme. De là les métaphores : virus informatiques, virus du faux, virus de la haine, virus de la mondialisation (Baudrillard). C’est une information trompeuse qui emploie un système comme médium, un tricheur qui le détourne de sa fonction originelle.

Qu’est-ce qu’une crise ? Suivant les cas : l’aggravation brusque d’un état antérieur, la révélation d’une faiblesse, une perturbation fatale. Elle affecte tout le fonctionnement d’un organisme vivant. Ou un système psychique, une institution ou organisation (famille, communauté, entreprise, État). Au-delà du risque acceptable, des pertes et aléas supportables, ce système est remis en cause dans sa logique même : plus rien n’obéit aux codes habituels.

L’information !

Qu’un virus qui tue des gens provoque une crise, cela se comprend. Mais la crise, et surtout celle-ci, est un phénomène d’information plus large. D’abord en ce qu’elle révèle après coup (nous aurions dû faire ceci, stocker cela, affecter telles ressources, prévoir telle procédure). Ensuite, au sens où sa perception déclenche d’autres effets (fuite, peur, rage, recherche d’un bouc émissaire, fausses croyances, refus de la discipline, émeutes …). Surtout, dès qu’une organisation (d’une PME à l’ONU) subit les premiers désordres, elle doit maîtriser plusieurs types d’information.

À commencer par celles qu’il n’aurait pas fallu laisser fuiter et qui relèvent du secret, comme que diffusera un lanceur d’alertes ou que volera un pirate informatique.

S’ajoutent des données, traces ou archives conservées quelque part, indispensables au moment de la crise (on aurait dû garder à l’œil pour le jour où…). Toute crise est cognitive : il y a les dossiers à surveiller, les avis d’experts à analyser, les statistiques qui manquent, les preuves de ce que l’on savait ou ignorait et que réclame la presse, les prévisions qu’il aurait fallu faire à temps, les précautions prises ou pas… Sans oublier les déclarations intempestives de début de crise qui colleront comme le chewing-gum. De tout cela, dépend l’analyse que feront les décideurs, puis les ordres, qui seront suivis ou non d’effet, décisions d’un gouvernement ou algorithmes de logiciels.

La crise appelle des messages. Ceux qu’émettent en particulier les autorités, (y compris par leur mutisme). Ce qu’elles disent dit de vérifiable, la confiance et l’espérance qu’elles insufflent, le lien avec la population, les contre-vérités et erreurs. Bref, la capacité (ou pas) de faire comprendre qu’il y a crise, de dire ce que l’on fait contre elle, et pourquoi cela marchera : autant de domaines pour une rhétorique bien spécialisée dite « communication de crise ». Mais il ne suffit pas d’éléments de langage et d’argumentaires. Encore faut-il des relais, des médias ou des communautés, pour faire passer le message. Et que le tout corresponde aux mentalités et à l’opinion destinataire. Sans oublier l’hostilité : critique politique, dénonciation médiatique et désormais attaques, parodies et mise en accusation sur les réseaux sociaux.

Par rapport à tous les critères qui précèdent, peu de gens applaudiraient la communication de crise gouvernementale au moment de la pandémie.

Com’ de crise et crise de com’

Un exemple entre mille. L’interview du Président où il explique qu’il n’y a pas eu rupture (d’approvisionnement) des masques, mais une « doctrine restrictive » destinée à éviter la carence de masques. La phrase exacte : « Il n’y a jamais eu de rupture, ce qu’il est vrai c’est qu’il y a eu des manques« . En logique formelle, c’est exact : s’il y avait très peu de masques et que l’on en a distribué de façon très insuffisante, il ne pouvait y avoir eu rupture d’un flux inexistant. Simplement les masques n’étaient pas disponibles.

En guise de contribution, rappelons quelques trucs élémentaires :

Si Pierre a volé de la confiture dites :

Contre-vérité non-vérifiable : c’est un inconnu qui s’est servi

Mélange vrai-faux : Jules et Marc en volent souvent, Antoine a été vu dans la pièce

Déformation du vrai : Pierre a ouvert le couvercle

Modifier le contexte : la grand mère de Pierre faisait une crise d’hypoglycémie, le confinement provoque un besoin de glucides lié à l’anxiété

Estompement : l’état de santé de Pierre, ses goûts, les discriminations qu’il a subies, le réchauffement climatique, le danger populiste

Vérités sélectionnées : Pierre était dans la cuisine il a discuté avec le témoin

Commentaire généraliste : drames des enfants obèses et du grignotage encouragé par l’alimentation moderne, boulimie et anorexie sont desproblèmes de société, réinventons l’alimentation

Parts inégales : oublier dix opinions pour Pierre, une contre

Parts égales : tribune dans les journaux entre interlocuteurs, un expert favorable à Pierre contre un débile extrémiste maladroit

Argument dit ad hominem : vous n’avez jamais abusé de la confiture, vous ? Qui êtes vous pour l’accuser ? Il paraît que vous lisez Onfray…

Ad numerum : les sondages sont en faveur de Pierre

Ad consequantiam : si on punissait tous les enfants qui ont chapardé…

La crise appelle des messages. Et la capacité (ou pas) de faire comprendre qu’il y a crise, de dire ce que l’on fait contre elle, et pourquoi cela marchera : autant de domaines pour une rhétorique bien spécialisée dite « communication de crise ».

Qu’est-ce qu’un virus ? De l’information ! Ou plutôt de la désinformation. Cet agent infectieux de quelques microns – on discute s’il est vraiment vivant – a un code génétique. Donc une identité et souvent un nom. Il ne « veut » que se multiplier grâce à une cellule hôte. Il la pirate pour lui faire produire de nouvelles particules qui iront à leur tour dans d’autres cellules, pour que le code prolifère à l’infini. Parfois inoffensif (on utilise de « bons virus » à des fins thérapeutiques), il peut tuer la cellule piratée, voire l’organisme. De là les métaphores : virus informatiques, virus du faux, virus de la haine, virus de la mondialisation (Baudrillard). C’est une information trompeuse qui emploie un système comme médium, un tricheur qui le détourne de sa fonction originelle.

Qu’est-ce qu’une crise ? Suivant les cas : l’aggravation brusque d’un état antérieur, la révélation d’une faiblesse, une perturbation fatale. Elle affecte tout le fonctionnement d’un organisme vivant. Ou un système psychique, une institution ou organisation (famille, communauté, entreprise, État). Au-delà du risque acceptable, des pertes et aléas supportables, ce système est remis en cause dans sa logique même : plus rien n’obéit aux codes habituels.

L’information !

Qu’un virus qui tue des gens provoque une crise, cela se comprend. Mais la crise, et surtout celle-ci, est un phénomène d’information plus large. D’abord en ce qu’elle révèle après coup (nous aurions dû faire ceci, stocker cela, affecter telles ressources, prévoir telle procédure). Ensuite, au sens où sa perception déclenche d’autres effets (fuite, peur, rage, recherche d’un bouc émissaire, fausses croyances, refus de la discipline, émeutes …). Surtout, dès qu’une organisation (d’une PME à l’ONU) subit les premiers désordres, elle doit maîtriser plusieurs types d’information.

À commencer par celles qu’il n’aurait pas fallu laisser fuiter et qui relèvent du secret, comme que diffusera un lanceur d’alertes ou que volera un pirate informatique.

S’ajoutent des données, traces ou archives conservées quelque part, indispensables au moment de la crise (on aurait dû garder à l’œil pour le jour où…). Toute crise est cognitive : il y a les dossiers à surveiller, les avis d’experts à analyser, les statistiques qui manquent, les preuves de ce que l’on savait ou ignorait et que réclame la presse, les prévisions qu’il aurait fallu faire à temps, les précautions prises ou pas… Sans oublier les déclarations intempestives de début de crise qui colleront comme le chewing-gum. De tout cela, dépend l’analyse que feront les décideurs, puis les ordres, qui seront suivis ou non d’effet, décisions d’un gouvernement ou algorithmes de logiciels.

La crise appelle des messages. Ceux qu’émettent en particulier les autorités, (y compris par leur mutisme). Ce qu’elles disent dit de vérifiable, la confiance et l’espérance qu’elles insufflent, le lien avec la population, les contre-vérités et erreurs. Bref, la capacité (ou pas) de faire comprendre qu’il y a crise, de dire ce que l’on fait contre elle, et pourquoi cela marchera : autant de domaines pour une rhétorique bien spécialisée dite « communication de crise ». Mais il ne suffit pas d’éléments de langage et d’argumentaires. Encore faut-il des relais, des médias ou des communautés, pour faire passer le message. Et que le tout corresponde aux mentalités et à l’opinion destinataire. Sans oublier l’hostilité : critique politique, dénonciation médiatique et désormais attaques, parodies et mise en accusation sur les réseaux sociaux.

Par rapport à tous les critères qui précèdent, peu de gens applaudiraient la communication de crise gouvernementale au moment de la pandémie.

Com’ de crise et crise de com’

Un exemple entre mille. L’interview du Président où il explique qu’il n’y a pas eu rupture (d’approvisionnement) des masques, mais une « doctrine restrictive » destinée à éviter la carence de masques. La phrase exacte : « Il n’y a jamais eu de rupture, ce qu’il est vrai c’est qu’il y a eu des manques« . En logique formelle, c’est exact : s’il y avait très peu de masques et que l’on en a distribué de façon très insuffisante, il ne pouvait y avoir eu rupture d’un flux inexistant. Simplement les masques n’étaient pas disponibles.

En guise de contribution, rappelons quelques trucs élémentaires :

Si Pierre a volé de la confiture dites :

Contre-vérité non-vérifiable : c’est un inconnu qui s’est servi

Mélange vrai-faux : Jules et Marc en volent souvent, Antoine a été vu dans la pièce

Déformation du vrai : Pierre a ouvert le couvercle

Modifier le contexte : la grand mère de Pierre faisait une crise d’hypoglycémie, le confinement provoque un besoin de glucides lié à l’anxiété

Estompement : l’état de santé de Pierre, ses goûts, les discriminations qu’il a subies, le réchauffement climatique, le danger populiste

Vérités sélectionnées : Pierre était dans la cuisine il a discuté avec le témoin

Commentaire généraliste : drames des enfants obèses et du grignotage encouragé par l’alimentation moderne, boulimie et anorexie sont desproblèmes de société, réinventons l’alimentation

Parts inégales : oublier dix opinions pour Pierre, une contre

Parts égales : tribune dans les journaux entre interlocuteurs, un expert favorable à Pierre contre un débile extrémiste maladroit

Argument dit ad hominem : vous n’avez jamais abusé de la confiture, vous ? Qui êtes vous pour l’accuser ? Il paraît que vous lisez Onfray…

Ad numerum : les sondages sont en faveur de Pierre

Ad consequantiam : si on punissait tous les enfants qui ont chapardé…

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