Pensée de la police et police de la pensée

Date

15 juin 2020

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Résumé

Quand les flics demandent protection et compréhension et les contestataires des sanctions, une bataille symbolique est engagée dont l’enjeu est d’imposer la honte

Date

15 juin 2020

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Résumé

Quand les flics demandent protection et compréhension et les contestataires des sanctions, une bataille symbolique est engagée dont l’enjeu est d’imposer la honte

Précédemment, nous rappelions que la pandémie incitait à la soumission, moins aux symboles de l’ordre qu’aux oracles de la technicité. Le binôme « il n’y a pas d’alternative » et « c’est pour vous sauver » a discipliné les Français mieux qu’aucune autorité traditionnelle.

Mais, s’il est une catégorie qui devrait croire à cette autorité, verticale, légitime et formelle, c’est bien la police. Du coup, la révolte des forces de l’ordre intrigue. Sauf à vouloir, comme le conseil municipal de Minneapolis dissoudre sa police, les lecteurs conviendront sans doute qu’il en faut une en République, qu’elle doit respecter les lois de ladite République, que s’il y a des brebis galeuses, etc., etc. Quant à l’auteur, qui a vu de ses yeux force brutalités exercées contre les Gilets jaunes, il croit surtout qu’il n’existe guère de violences policières qui ne s’expliquent par des instructions du gouvernement.

Pour mémoire, ce n’est pas la première fois que les forces de l’ordre se sentent « abandonnées » : ainsi, elles étaient descendue dans la rue quand deux agents avaient été abattus par des membres d’Action Directe libérés en 1981. On parlait à l’époque de la question du « laxisme ».

Reconnaissance et respect

Désormais les flics ne veulent plus (ou plus principalement) que l’on condamne davantage, ils réclament de ne pas être eux-mêmes condamnés. Souvent fils de pauvres, venant des « sous-utopies rurales et urbaines » (dixit Pasolini) les voilà privés de leur unique support moral : l’autorité politique qui refuse d’assumer les aléas d’une violence commise en son nom. Les prouesses sémantiques du ministre de l’Intérieur (soupçon avéré, manifestation interdite tolérée et émotion qui lemporte sur l’État de droit) n’ont rien arrangé ; mais il y a plus.

Les syndicalistes (outre l’inévitable « manque de moyens ») réclament reconnaissance et respect, nient l’accusation de contrôle au faciès ou de racisme systémique.

Leur demande – bénéficier de la présomption de républicanisme – les incite à reprendre mimétiquement le vocabulaire des anti-flics : respect, pas de stigmatisation, pas damalgame, pas de discrimination en fonction de la peau ou de la religion, pas discours de haine, nos valeurs républicaines

Victimisation

Les bleus, menacés d’être contraints à la génuflexion à l’américaine, se victimisent à leur tour, craignant d’être fliqués, filmés, surveillés. Ils sont tentés par la méthode des bras croisés et de la résistance passive (grève de l’interpellation). Leur adversaire est moins un ministre ou une bureaucratie qu’une idéologie made in U.S.A. : elle fait de la lutte contre les violence policière la clef de voûte de la dénonciation morale d’une domination généralisée (racisme systémique, discrimination de genre, sexualité ou religion, mais guère d’argent ou de classe).

Ce politiquement correct repose sur la mauvaise conscience et réclame davantage d’interdits : l’Histoire devient un prétoire (coupables et victimes) et la loi le bras séculier de l’éthique post-politique. Tout, du réchauffement climatique aux bavures policières, renvoyant à un responsable moral, il n’est question que de préjudice : ce qu’a vécu l’espèce est une suite de maux infligés par des dominants. Les victimes en demandent réparation : manifestations publiques spectaculaires, rectification du passé (et ses criminels de Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent à Schoelcher ou à Churchill et de Gaulle, par des retraits et repentances. Le désir de pénal (punir des coupables, supprimer des statues, des films et des livres, trainer au tribunal) a changé de camp et le policier est au bout de la chaîne des coupables. Or, le programme de dominer les dominants et de culpabiliser les juges produit de singuliers mimétismes.

Précédemment, nous rappelions que la pandémie incitait à la soumission, moins aux symboles de l’ordre qu’aux oracles de la technicité. Le binôme « il n’y a pas d’alternative » et « c’est pour vous sauver » a discipliné les Français mieux qu’aucune autorité traditionnelle.

Mais, s’il est une catégorie qui devrait croire à cette autorité, verticale, légitime et formelle, c’est bien la police. Du coup, la révolte des forces de l’ordre intrigue. Sauf à vouloir, comme le conseil municipal de Minneapolis dissoudre sa police, les lecteurs conviendront sans doute qu’il en faut une en République, qu’elle doit respecter les lois de ladite République, que s’il y a des brebis galeuses, etc., etc. Quant à l’auteur, qui a vu de ses yeux force brutalités exercées contre les Gilets jaunes, il croit surtout qu’il n’existe guère de violences policières qui ne s’expliquent par des instructions du gouvernement.

Pour mémoire, ce n’est pas la première fois que les forces de l’ordre se sentent « abandonnées » : ainsi, elles étaient descendue dans la rue quand deux agents avaient été abattus par des membres d’Action Directe libérés en 1981. On parlait à l’époque de la question du « laxisme ».

Reconnaissance et respect

Désormais les flics ne veulent plus (ou plus principalement) que l’on condamne davantage, ils réclament de ne pas être eux-mêmes condamnés. Souvent fils de pauvres, venant des « sous-utopies rurales et urbaines » (dixit Pasolini) les voilà privés de leur unique support moral : l’autorité politique qui refuse d’assumer les aléas d’une violence commise en son nom. Les prouesses sémantiques du ministre de l’Intérieur (soupçon avéré, manifestation interdite tolérée et émotion qui lemporte sur l’État de droit) n’ont rien arrangé ; mais il y a plus.

Les syndicalistes (outre l’inévitable « manque de moyens ») réclament reconnaissance et respect, nient l’accusation de contrôle au faciès ou de racisme systémique.

Leur demande – bénéficier de la présomption de républicanisme – les incite à reprendre mimétiquement le vocabulaire des anti-flics : respect, pas de stigmatisation, pas damalgame, pas de discrimination en fonction de la peau ou de la religion, pas discours de haine, nos valeurs républicaines

Victimisation

Les bleus, menacés d’être contraints à la génuflexion à l’américaine, se victimisent à leur tour, craignant d’être fliqués, filmés, surveillés. Ils sont tentés par la méthode des bras croisés et de la résistance passive (grève de l’interpellation). Leur adversaire est moins un ministre ou une bureaucratie qu’une idéologie made in U.S.A. : elle fait de la lutte contre les violence policière la clef de voûte de la dénonciation morale d’une domination généralisée (racisme systémique, discrimination de genre, sexualité ou religion, mais guère d’argent ou de classe).

Ce politiquement correct repose sur la mauvaise conscience et réclame davantage d’interdits : l’Histoire devient un prétoire (coupables et victimes) et la loi le bras séculier de l’éthique post-politique. Tout, du réchauffement climatique aux bavures policières, renvoyant à un responsable moral, il n’est question que de préjudice : ce qu’a vécu l’espèce est une suite de maux infligés par des dominants. Les victimes en demandent réparation : manifestations publiques spectaculaires, rectification du passé (et ses criminels de Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent à Schoelcher ou à Churchill et de Gaulle, par des retraits et repentances. Le désir de pénal (punir des coupables, supprimer des statues, des films et des livres, trainer au tribunal) a changé de camp et le policier est au bout de la chaîne des coupables. Or, le programme de dominer les dominants et de culpabiliser les juges produit de singuliers mimétismes.

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