Réseaux sociaux : politiques au volant, mort au tournant ?

Auteur(s)

Date

1 août 2020

Partager

Résumé

Ci-gît la start-up nation.

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Date

1 août 2020

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Résumé

Ci-gît la start-up nation.

Entre suppression de comptes par des algorithmes d’intelligence artificielle, terme par lequel nous entendons un couple, plus ou moins bien assorti, composé à 50% de machine learning et à 50% de digital labor, outsourcés quelque part en Asie du Sud-Est, et demandes de plus en plus fortes de la part des politiques d’une régulation accrue, et d’une modération plus affirmée, dans toutes les acceptions du terme, les réseaux sociaux filent droit vers leur perte.

Fear of the Dark

Ces derniers jours, Twitter, réseau social stratégique, où se croisent politiques, décideurs, acteurs économiques, militants associatifs, chercheurs et militants en tout genre, bref un espace un peu plus intéressant que ses pairs en social media que sont Snapchat ou TikTok, a franchi une nouvelle étape dans sa volonté de pacification et de neutralisation de la plateforme. Mi-juillet, une partie des comptes des principaux leaders du mouvement d’extrême droite Génération identitaire a, tout bonnement, été supprimée par Twitter. Si la question n’est évidemment pas, et cela serait un écueil éminemment problématique, de disserter, et par-là même de digresser, sur ce qu’est Génération identitaire, on peut se questionner sur les conséquences de la disparition, en termes d’expression politique, de toute cette frange de l’extrême droite de la plateforme. De même, et cette fois-ci outre-Atlantique, on peut légitimement se questionner sur les conséquences induites par la suppression de l’ensemble des comptes gravitant dans l’écosystème QAnon, qui fédère les adeptes d’une des théories du complot les plus répandues aux États-Unis, selon laquelle l’action du président Donald Trump serait entravée par un deep state. En tout ce sont pas moins de 7 000 comptes qui se sont vus notifier que dorénavant ils n’auraient plus le droit de cité sur la plateforme. À terme ce sont plus de 150 000 comptes de cette mouvance qui devraient également, comme l’a affirmé dernièrement un porte-parole de Twitter, être concernés par cette purge de grande ampleur. Outre la suspension des comptes, le réseau social gazouilleur a également annoncé avoir renforcé, drastiquement, sa politique de partages de liens. En mars dernier, Twitter avait publié une série d’éléments pour expliquer et détailler son “approche en matière de blocage de liens”. Twitter déclarait alors vouloir lutter contre les liens problématiques menant à des contenus situés hors de Twitter, avec soit l’affichage à destination de l’utilisateur d’un message de mise en garde ou bien, purement et simplement, un lien d’article bloqué, et par-là même ne pouvant pas être diffusé sur Twitter. Dans un update mis en ligne le 29 juillet dernier, Twitter annonce que son approche en matière de liens a évolué, et que désormais les articles incitant à la haine ou à la violence pourront être bloqués par Twitter, tandis que les comptes “dédiés au partage de ce type de liens pourront être suspendus”. La dernière formulation est extrêmement problématique car le scope des “comptes dédiés” est potentiellement très large, et on imagine qu’il pourrait concerner en France les relais habituels de plateformes comme Fdesouche, Boulevard Voltaire ou même Valeurs Actuelles. Mais également, les relais de plateformes d’extrême gauche qui appelleraient, comme c’est souvent le cas en matière de ligne éditoriale sur ces médias militants, à des actions, directes notamment, contre des intérêts financiers ou économiques.  En somme, et si la dynamique se poursuit, et il y a peu de chance que cette dernière s’arrête alors que les élections américaines se profilent, d’ici à quelques mois Twitter aura suspendu l’ensemble de l’extrême droite mondiale. Quant aux autres bords de la radicalité, sauf à ce que Twitter adopte une vision partiale et une posture hémiplégique, on peut raisonnablement considérer qu’à terme des pans entiers de la radicalité, discursive et narrative, d’extrême gauche subira à son tour les foudres de la moralisation de l’espace public.

Volstead Act & Speakeasy

Certains s’en réjouiront comme une victoire du bien sur le mal, quand d’autres déploreront une politisation accrue de Twitter. Les premiers, qui se retrouvent notamment du côté des anti hate speeches, des militants contre la hate money et autres pourfendeurs des fake news sont les personnalités morales, les puritains de notre époque, bref les dignes héritiers des ligues de tempérance. Ils sont les Carrie Nation de notre époque, du nom d’une des plus célèbres militantes des ligues de tempérance aux États-Unis dont le combat, couronné de succès par l’adoption du Volstead Act, aura abouti à la prohibition. Entré en vigueur en 1919, le Volstead Act, qui interdit la fabrication, la vente et le transport d’alcool,marque l’entrée de l’Amérique dans la prohibition généralisée. La comparaison entre la moralisation des réseaux sociaux, et tout particulièrement de Twitter, et la période de la prohibition nous semble être relativement pertinente. Sur fond de germanophobie, alors que tous les efforts de l’Amérique étaient articulés autour de la mobilisation militaire contre l’Allemagne, les brasseries, détenues majoritairement par des émigrés allemands, ont été perçus comme des lieux détournant les Américains de la moralité, ainsi que du devoir civique et militaire. Bref, une nouvelle couche morale à un combat des ligues de vertu qui aura mobilisé tous les arguments possibles, et inimaginables, pour en finir avec la consommation d’alcool, et notamment, si ce n’est essentiellement, celle de la population masculine. Un combat moralement pur, et qui aura accouché, non pas d’une souris, mais des roaring twenties et, surtout, d’une montée en puissance comme jamais auparavant du crime organisé aux États-Unis. La prohibition marque le basculement des gangs et autres voyous américains dans un schéma structuré et financiarisé, qui devait voir l’émergence des “génies” du crime que furent Arnold Rothstein, Meyer Lansky ou Lucky Luciano. La prohibition marque aussi le basculement d’une consommation “officielle” et visible de l’alcool, à une consommation “cachée” dans les speakeasy. Le réseau social américain Parler, où se réfugient les acteurs d’extrême droite aux quatre coins du monde, est à sa manière un lointain héritier de ces bars clandestins.

Pornhub bientôt rationné ?

En somme, et au risque de céder au truisme de l’histoire comme éternel recommencement, mais bon la nature humaine est sûrement la seule chose immuable en ce bas monde, les mêmes causes produiront les mêmes effets. La balkanisation des réseaux sociaux est en marche, et avec elle sa théorie de problématiques dont les entrepreneurs de causes spécialisés dans la lutte pour le bien et contre le faux, combat des plus honorables s’il en est, ne semblent guère faire de cas. Comme si empêcher l’extrême droite de s’exprimer sur Twitter allait court-circuiter sa dynamique galopante et empêcher la “radicalisation” de ses militants. Faut-il rappeler que les militants de la version la plus roots du Front National, à base de fête des Bleu-blanc-rouge (BBR) et de cohabitation avec les skinheads et autres aficionados du nazisme, n’ont pas eu le loisir de connaître Facebook et Twitter. À croire que d’autres voies que Twitter, mettons la famille, les réseaux d’amis ou autres espaces de rencontres dans le “vrai monde”, mèneraient au pire. Étonnant n’est-ce pas ?

Quoi qu’il en soit, cette situation est en partie la résultante d’une volontée des politiques, et notamment en France, de reprendre le contrôle des GAFAM. Mettons cela sur le coup d’une sorte de baroud d’honneur de la 7e puissance mondiale qui, par le biais de ces illustres Secrétaires d’État au numérique, a voulu en remontrer à Mark Zuckerberg et à Jack Dorsey. Et on imagine que Mark Zuckerberg vit des heures difficiles ces derniers temps, puisque Cédric O, de concert avec Barbara Pompili, dans un tandem pour le moins inattendu numérique-écologie, entend réguler notre consommation d’Internet pour réduire notre empreinte sur la planète. Pour ce faire, Cédric O souhaite accompagner les Français, les prendre par la main, bref faire de la pédagogie, pour leur apprendre à ne pas avoir un usage compulsif des réseaux sociaux, de la même manière que nous avons appris, et nous le citons, “à éteindre la lumière, à fermer le robinet”. Après la prohibition, voici venir le temps des tickets de rationnement. Cela risque d’être une mesure peu populaire, quand on sait, et cela ne manque jamais de nous étonner, que les sites les plus consultés par les Français ressortent davantage de la pornographie que de l’action publique et gouvernementale. Comme si ces derniers n’avaient qu’un intérêt modéré pour le elysee.fr ou le gouvernement.fr, pourtant très attrayants, mais sûrement moins aguicheurs.

Dans une série de tweets très inspirés, Emmanuelle Ducros, journaliste à l’Opinion, visiblement peu convaincue par l’intervention de Cédric O proposait de créer “Couriéléo, la startup d’État qui validera la pertinence des envois de mails des Français pour les éduquer et réduire leur empreinte numérique”. Elle propose également de créer une autre startup d’État qui “prévisualisera, grâce à une IA, les vidéos des Français pour déterminer s’ils ont besoin de les regarder ou pas”.

Ci-gît la start-up nation.

Entre suppression de comptes par des algorithmes d’intelligence artificielle, terme par lequel nous entendons un couple, plus ou moins bien assorti, composé à 50% de machine learning et à 50% de digital labor, outsourcés quelque part en Asie du Sud-Est, et demandes de plus en plus fortes de la part des politiques d’une régulation accrue, et d’une modération plus affirmée, dans toutes les acceptions du terme, les réseaux sociaux filent droit vers leur perte.

Fear of the Dark

Ces derniers jours, Twitter, réseau social stratégique, où se croisent politiques, décideurs, acteurs économiques, militants associatifs, chercheurs et militants en tout genre, bref un espace un peu plus intéressant que ses pairs en social media que sont Snapchat ou TikTok, a franchi une nouvelle étape dans sa volonté de pacification et de neutralisation de la plateforme. Mi-juillet, une partie des comptes des principaux leaders du mouvement d’extrême droite Génération identitaire a, tout bonnement, été supprimée par Twitter. Si la question n’est évidemment pas, et cela serait un écueil éminemment problématique, de disserter, et par-là même de digresser, sur ce qu’est Génération identitaire, on peut se questionner sur les conséquences de la disparition, en termes d’expression politique, de toute cette frange de l’extrême droite de la plateforme. De même, et cette fois-ci outre-Atlantique, on peut légitimement se questionner sur les conséquences induites par la suppression de l’ensemble des comptes gravitant dans l’écosystème QAnon, qui fédère les adeptes d’une des théories du complot les plus répandues aux États-Unis, selon laquelle l’action du président Donald Trump serait entravée par un deep state. En tout ce sont pas moins de 7 000 comptes qui se sont vus notifier que dorénavant ils n’auraient plus le droit de cité sur la plateforme. À terme ce sont plus de 150 000 comptes de cette mouvance qui devraient également, comme l’a affirmé dernièrement un porte-parole de Twitter, être concernés par cette purge de grande ampleur. Outre la suspension des comptes, le réseau social gazouilleur a également annoncé avoir renforcé, drastiquement, sa politique de partages de liens. En mars dernier, Twitter avait publié une série d’éléments pour expliquer et détailler son “approche en matière de blocage de liens”. Twitter déclarait alors vouloir lutter contre les liens problématiques menant à des contenus situés hors de Twitter, avec soit l’affichage à destination de l’utilisateur d’un message de mise en garde ou bien, purement et simplement, un lien d’article bloqué, et par-là même ne pouvant pas être diffusé sur Twitter. Dans un update mis en ligne le 29 juillet dernier, Twitter annonce que son approche en matière de liens a évolué, et que désormais les articles incitant à la haine ou à la violence pourront être bloqués par Twitter, tandis que les comptes “dédiés au partage de ce type de liens pourront être suspendus”. La dernière formulation est extrêmement problématique car le scope des “comptes dédiés” est potentiellement très large, et on imagine qu’il pourrait concerner en France les relais habituels de plateformes comme Fdesouche, Boulevard Voltaire ou même Valeurs Actuelles. Mais également, les relais de plateformes d’extrême gauche qui appelleraient, comme c’est souvent le cas en matière de ligne éditoriale sur ces médias militants, à des actions, directes notamment, contre des intérêts financiers ou économiques.  En somme, et si la dynamique se poursuit, et il y a peu de chance que cette dernière s’arrête alors que les élections américaines se profilent, d’ici à quelques mois Twitter aura suspendu l’ensemble de l’extrême droite mondiale. Quant aux autres bords de la radicalité, sauf à ce que Twitter adopte une vision partiale et une posture hémiplégique, on peut raisonnablement considérer qu’à terme des pans entiers de la radicalité, discursive et narrative, d’extrême gauche subira à son tour les foudres de la moralisation de l’espace public.

Volstead Act & Speakeasy

Certains s’en réjouiront comme une victoire du bien sur le mal, quand d’autres déploreront une politisation accrue de Twitter. Les premiers, qui se retrouvent notamment du côté des anti hate speeches, des militants contre la hate money et autres pourfendeurs des fake news sont les personnalités morales, les puritains de notre époque, bref les dignes héritiers des ligues de tempérance. Ils sont les Carrie Nation de notre époque, du nom d’une des plus célèbres militantes des ligues de tempérance aux États-Unis dont le combat, couronné de succès par l’adoption du Volstead Act, aura abouti à la prohibition. Entré en vigueur en 1919, le Volstead Act, qui interdit la fabrication, la vente et le transport d’alcool,marque l’entrée de l’Amérique dans la prohibition généralisée. La comparaison entre la moralisation des réseaux sociaux, et tout particulièrement de Twitter, et la période de la prohibition nous semble être relativement pertinente. Sur fond de germanophobie, alors que tous les efforts de l’Amérique étaient articulés autour de la mobilisation militaire contre l’Allemagne, les brasseries, détenues majoritairement par des émigrés allemands, ont été perçus comme des lieux détournant les Américains de la moralité, ainsi que du devoir civique et militaire. Bref, une nouvelle couche morale à un combat des ligues de vertu qui aura mobilisé tous les arguments possibles, et inimaginables, pour en finir avec la consommation d’alcool, et notamment, si ce n’est essentiellement, celle de la population masculine. Un combat moralement pur, et qui aura accouché, non pas d’une souris, mais des roaring twenties et, surtout, d’une montée en puissance comme jamais auparavant du crime organisé aux États-Unis. La prohibition marque le basculement des gangs et autres voyous américains dans un schéma structuré et financiarisé, qui devait voir l’émergence des “génies” du crime que furent Arnold Rothstein, Meyer Lansky ou Lucky Luciano. La prohibition marque aussi le basculement d’une consommation “officielle” et visible de l’alcool, à une consommation “cachée” dans les speakeasy. Le réseau social américain Parler, où se réfugient les acteurs d’extrême droite aux quatre coins du monde, est à sa manière un lointain héritier de ces bars clandestins.

Pornhub bientôt rationné ?

En somme, et au risque de céder au truisme de l’histoire comme éternel recommencement, mais bon la nature humaine est sûrement la seule chose immuable en ce bas monde, les mêmes causes produiront les mêmes effets. La balkanisation des réseaux sociaux est en marche, et avec elle sa théorie de problématiques dont les entrepreneurs de causes spécialisés dans la lutte pour le bien et contre le faux, combat des plus honorables s’il en est, ne semblent guère faire de cas. Comme si empêcher l’extrême droite de s’exprimer sur Twitter allait court-circuiter sa dynamique galopante et empêcher la “radicalisation” de ses militants. Faut-il rappeler que les militants de la version la plus roots du Front National, à base de fête des Bleu-blanc-rouge (BBR) et de cohabitation avec les skinheads et autres aficionados du nazisme, n’ont pas eu le loisir de connaître Facebook et Twitter. À croire que d’autres voies que Twitter, mettons la famille, les réseaux d’amis ou autres espaces de rencontres dans le “vrai monde”, mèneraient au pire. Étonnant n’est-ce pas ?

Quoi qu’il en soit, cette situation est en partie la résultante d’une volontée des politiques, et notamment en France, de reprendre le contrôle des GAFAM. Mettons cela sur le coup d’une sorte de baroud d’honneur de la 7e puissance mondiale qui, par le biais de ces illustres Secrétaires d’État au numérique, a voulu en remontrer à Mark Zuckerberg et à Jack Dorsey. Et on imagine que Mark Zuckerberg vit des heures difficiles ces derniers temps, puisque Cédric O, de concert avec Barbara Pompili, dans un tandem pour le moins inattendu numérique-écologie, entend réguler notre consommation d’Internet pour réduire notre empreinte sur la planète. Pour ce faire, Cédric O souhaite accompagner les Français, les prendre par la main, bref faire de la pédagogie, pour leur apprendre à ne pas avoir un usage compulsif des réseaux sociaux, de la même manière que nous avons appris, et nous le citons, “à éteindre la lumière, à fermer le robinet”. Après la prohibition, voici venir le temps des tickets de rationnement. Cela risque d’être une mesure peu populaire, quand on sait, et cela ne manque jamais de nous étonner, que les sites les plus consultés par les Français ressortent davantage de la pornographie que de l’action publique et gouvernementale. Comme si ces derniers n’avaient qu’un intérêt modéré pour le elysee.fr ou le gouvernement.fr, pourtant très attrayants, mais sûrement moins aguicheurs.

Dans une série de tweets très inspirés, Emmanuelle Ducros, journaliste à l’Opinion, visiblement peu convaincue par l’intervention de Cédric O proposait de créer “Couriéléo, la startup d’État qui validera la pertinence des envois de mails des Français pour les éduquer et réduire leur empreinte numérique”. Elle propose également de créer une autre startup d’État qui “prévisualisera, grâce à une IA, les vidéos des Français pour déterminer s’ils ont besoin de les regarder ou pas”.

Ci-gît la start-up nation.

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