Rhétoriques de la peur
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Résumé
Les débats accusent souvent d'exploiter les peurs des Français, touchant diverses préoccupations. Ces peurs, bien qu'anciennes, sont amplifiées médiatiquement. Elles divisent, orientant la politique vers l'évitement du risque, présageant de nouvelles tensions électorales.
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Les débats accusent souvent d'exploiter les peurs des Français, touchant diverses préoccupations. Ces peurs, bien qu'anciennes, sont amplifiées médiatiquement. Elles divisent, orientant la politique vers l'évitement du risque, présageant de nouvelles tensions électorales.
« Vous exploitez les peurs des Français », un incontournable des débats télévisés. Vous exploitez : cynique, trompeur, manipulateur. Les peurs : passions tristes, hystéries hors de la réalité. Des Français : gare aux colères des foules égarées. Mêlant crypto stratégie, proto psychanalyse et pseudo sociologie, l’accusation est censée tétaniser le méchant, délirant, démago. Mais aussi établir une ligne rouge. Il y a ceux qui exploitent des peurs et ceux qui cherchent des solutions à l’écoute des Français. Les déclinistes et les ouverts. Les rabougris et des progressistes. Les ennemis de la modernité et les amis du futur. Ajoutez « même pas peur » et attendez que « la peur change de camp »..
Pareille disqualification exclut du débat. Tantôt dans un registre libéral macronien : efficacité et modernité versus phantasmes archaïques. Tantôt plus à « gauche » : la crainte révèle une « phobie », une manifestation de la domination de classe, de genre, coloniale, etc….. Certains en conçoivent, du coup, une quasi phobophobie : crainte de développer des fantasmes et d’offenser un groupe (à l’égard de l’islam, des minorités…).
Que redoutez-vous, la fin du monde ou de la fin du mois, la perte de l’identité ou de la démocratie, la manipulation médiatique ou la société de surveillance numérique ? Les fake news et la « haine », le transhumanisme et Big Brother, la déstabilisation par la Chine et la Russie, le retour des années 30, l’eschatologie écologique ou l’insécurité au coin de la rue ? Sans compter que, dès que réapparaît un thème ancestral (la peur de l’épidémie avec la Covid), la panique peut nourrir à la fois la tentations de la surveillance et les interprétations paranoïaques en retour (Big Reset, dictature sanitaire…).
Les peurs collectives, certes, sont tout sauf neuves : pendant la Guerre froide que pesait celle du communisme (ou, en face, de l’impérialisme) au regard des terreurs médiévales et comment comparer à celle de la destruction de l’environnement ? D’autant plus que l’usage médiatique du mot ne cesse de s’étendre : que signifie, par exemple, la « peur des LGBT » ? Mais c’est surtout cette dénonciation tous azimuts qui caractérise la période et qui déterminera sans doute la campagne électorale.
La peur – catégorie politique – produit un effet miroir. Ces peurs – comme celles de la radicalité ou de la répression – vont par paires. L’obsession incarnée par Éric Zemour que disparaisse la France nourrit chez ses adversaires la crainte d’un grand retour en arrière réactionnaire contre droits, morale et acquis. Ce qui engendre en retour l’angoisse du « on ne peut plus rien dire » et de la dictature bienpensante. Bien-pensance elle-même d’autant plus effrayée par la radicalisation des esprits, la dégradation du débat et les reculs de la raison. Et ainsi de suite.
La peur suppose deux choses. D’abord, une réaction au risque d’un malheur. Mais en politique, elle se implique aussi : nous contre eux, eux qui provoquent, aggravent, excusent ou incarnent ce mal. Le clan, le pouvoir, la classe responsables auraient pu savoir, prévenir, gérer et ne l’a pas fait par intérêt ou idéologie. Voire ils l’ont provoqué par intérêt ou idéologie. Notre peur renvoie à leur faute. D’où division. Mais aussi réduction : le politique n’apparaît plus comme la recherche du bien commun via l’exercice du pouvoir, mais comme celle du moindre mal, de l’exclusion du risque, y compris le risque moral (déni de la réalité pour les uns, phantasmes clivants pour les autres…). Après la rhétorique de la nouveauté en 2017, celle de la peur en 2022 pourrait faire de la campagne électorale à venir le révélateur inédit de nouvelles tensions idéologiques.
« Vous exploitez les peurs des Français », un incontournable des débats télévisés. Vous exploitez : cynique, trompeur, manipulateur. Les peurs : passions tristes, hystéries hors de la réalité. Des Français : gare aux colères des foules égarées. Mêlant crypto stratégie, proto psychanalyse et pseudo sociologie, l’accusation est censée tétaniser le méchant, délirant, démago. Mais aussi établir une ligne rouge. Il y a ceux qui exploitent des peurs et ceux qui cherchent des solutions à l’écoute des Français. Les déclinistes et les ouverts. Les rabougris et des progressistes. Les ennemis de la modernité et les amis du futur. Ajoutez « même pas peur » et attendez que « la peur change de camp »..
Pareille disqualification exclut du débat. Tantôt dans un registre libéral macronien : efficacité et modernité versus phantasmes archaïques. Tantôt plus à « gauche » : la crainte révèle une « phobie », une manifestation de la domination de classe, de genre, coloniale, etc….. Certains en conçoivent, du coup, une quasi phobophobie : crainte de développer des fantasmes et d’offenser un groupe (à l’égard de l’islam, des minorités…).
Que redoutez-vous, la fin du monde ou de la fin du mois, la perte de l’identité ou de la démocratie, la manipulation médiatique ou la société de surveillance numérique ? Les fake news et la « haine », le transhumanisme et Big Brother, la déstabilisation par la Chine et la Russie, le retour des années 30, l’eschatologie écologique ou l’insécurité au coin de la rue ? Sans compter que, dès que réapparaît un thème ancestral (la peur de l’épidémie avec la Covid), la panique peut nourrir à la fois la tentations de la surveillance et les interprétations paranoïaques en retour (Big Reset, dictature sanitaire…).
Les peurs collectives, certes, sont tout sauf neuves : pendant la Guerre froide que pesait celle du communisme (ou, en face, de l’impérialisme) au regard des terreurs médiévales et comment comparer à celle de la destruction de l’environnement ? D’autant plus que l’usage médiatique du mot ne cesse de s’étendre : que signifie, par exemple, la « peur des LGBT » ? Mais c’est surtout cette dénonciation tous azimuts qui caractérise la période et qui déterminera sans doute la campagne électorale.
La peur – catégorie politique – produit un effet miroir. Ces peurs – comme celles de la radicalité ou de la répression – vont par paires. L’obsession incarnée par Éric Zemour que disparaisse la France nourrit chez ses adversaires la crainte d’un grand retour en arrière réactionnaire contre droits, morale et acquis. Ce qui engendre en retour l’angoisse du « on ne peut plus rien dire » et de la dictature bienpensante. Bien-pensance elle-même d’autant plus effrayée par la radicalisation des esprits, la dégradation du débat et les reculs de la raison. Et ainsi de suite.
La peur suppose deux choses. D’abord, une réaction au risque d’un malheur. Mais en politique, elle se implique aussi : nous contre eux, eux qui provoquent, aggravent, excusent ou incarnent ce mal. Le clan, le pouvoir, la classe responsables auraient pu savoir, prévenir, gérer et ne l’a pas fait par intérêt ou idéologie. Voire ils l’ont provoqué par intérêt ou idéologie. Notre peur renvoie à leur faute. D’où division. Mais aussi réduction : le politique n’apparaît plus comme la recherche du bien commun via l’exercice du pouvoir, mais comme celle du moindre mal, de l’exclusion du risque, y compris le risque moral (déni de la réalité pour les uns, phantasmes clivants pour les autres…). Après la rhétorique de la nouveauté en 2017, celle de la peur en 2022 pourrait faire de la campagne électorale à venir le révélateur inédit de nouvelles tensions idéologiques.
Quand ceux qui n’ont plus rien partagent le symbole du grotesque et de la vengeance, leur défi nihiliste nous annonce un singulier retour du conflit.
Le chiffre global tétanise : 33.769 attentats «islamistes» (se réclamant d’un projet d’établissement de la charia et/ou du califat) ont couté la vie à au moins 167.096 personnes.
Les black blocs, groupe affinitaire et temporaire, excellent dans la programmation numérique de l’action physique. Nihilisme symbolique et individualisme surexcité, le tout sur fond de communautés numériques : c’est bien la troisième génération de la révolte dont parle Régis Debray : sans contre-projet, mais dans l’action comme révélation de soi.
Quand l’Iran se coupe de la Toile pour isoler ses activistes, il révèle une fracture bien plus profonde.