Quand le New York Times nous apprend que le grand méchant Poutine compte soutenir à la fois Trump et… Sanders
Auteur(s)
Date
Partager
Résumé
Le raisonnement fonctionne trop bien et ne peut être contredit. Quoi qu’il se produise et qui engendre du désordre (c’est-à-dire n’importe quoi), peut être rattaché à cette volonté de désordre. Y compris cet article, bien entendu.
Auteur(s)
Date
Partager
Résumé
Le raisonnement fonctionne trop bien et ne peut être contredit. Quoi qu’il se produise et qui engendre du désordre (c’est-à-dire n’importe quoi), peut être rattaché à cette volonté de désordre. Y compris cet article, bien entendu.
Selon le New York Times, les services de renseignement savent que Poutine va à la fois soutenir Trump et Sanders par manipulations sur Internet. On songe à une première interprétation rationnelle : le but serait que le président sortant soit confronté à un candidat réputé gauchiste plutôt que modéré, ce qui garantirait sa réélection. Or ce n’est pas l’idée et c’est beaucoup plus subtil.
Le raisonnement de l’ « U.S. Intelligence Community » (les agences de renseignement) repose sur un triple postulat : ils le veulent, ils le peuvent, ils le pensent.
- Sur le premier (nihilistes depuis avant Lénine, ces post bolcheviks entreprennent secrètement de déstabiliser les démocraties), le Kremlin ne nous a pas fait de confidences.
- Sur le second (ils surpassent les U.S.A. en matière de cyber et soft power et faussent les élections à leur guise), le dossier est plus documenté. Il existe de multiples techniques pour agir sur l’opinion d’un autre pays. Fausses nouvelles, faux sites, faux comptes avec fausse nationalité sur les réseaux sociaux, trolls et robots poussant les messages nocifs, piratage numérique et vol d’informations compromettantes, agents d’influences et chaînes d’information idéologiquement orientées : tout cela existe (et pas qu’à Moscou).
La question serait alors : pourquoi les moyens russes de manipulation seraient-ils si efficaces face aux milliards de dollars dépensés en marketing politique, face aux médias mainstream, aux leaders d’opinion du pays qui a inventé Hollywood ? Et face aux multiples processus de rétablissement de la vérité et de repérage anti manipulation mis en place par les autorités, les médias, les ONG, les GAFAM, etc. ? C’est une interprétation plutôt complotiste et mécaniste du mystère de la croyance : il suffirait de messages efficaces, même minoritaires, pour abuser le peuple. En ce cas, pourquoi Mr. Bloomberg qui a déjà dépensé 500 millions de dollars avec les meilleurs communicants n’a-t-il pas balayé ces influences délétères en quinze jours ? Et pourquoi cette réceptivité d’une partie de la population (d’ailleurs peu confiante dans les réseaux sociaux) ?
- Le troisième point (la stratégie machiavélienne) est une thèse typique de l’État profond, et répandue par les think tanks comme la Rand corporation. Elle semble parodier une phrase souvent citée d’Arendt : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. »
Tromperie ?
Le but de ces opérations de tromperie ne serait donc pas tant d’aider le candidat A favorable ou de déstabiliser le candidat B, hostile. Ce serait de la subversion, au sens de bouleversement/perversion des principes d’une Nation. Exaspérer tensions et méfiance. On jouerait sur le double ressort du conflit (confronter les candidat les plus opposés par leur vision de la société pour fractionner cette société) et du scepticisme (si les citoyens ne croient plus vivre dans le même monde des faits, ils finissent par ne plus partager le même monde des valeurs, et cela sape le principe même de la démocratie). À ce compte, sachant qu’hier Griveaux a été déstabilisé (certains y voient la main de Moscou), et s’il y a demain sur les réseaux sociaux des rumeurs diffamant Dati, nous saurons que Poutine veut plonger Paris dans l’anarchie.
Pouvoir merveilleux de l’information dévoyée (à faible risque et à faible coût) : elle déforme et dégrade. Et, si l’on pousse le raisonnement, plus elle semble contradictoire et erratique, plus elle remplit son rôle. Plus elle est difficile à attribuer, plus elle perturbe la cible. Plus elle paraît absurde – soutenir A et l’inverse de A – plus elle est efficace.
Cela rappelle un livre de science fiction de Norman Spinrad des années 60 (Les pionniers du Chaos, où une secte, la confrérie des Assassins, suscite le désordre pour le désordre dans le monde futur de l’Hégémonie.). Or le raisonnement fonctionne trop bien et ne peut être contredit. Quoi qu’il se produise et qui engendre du désordre (c’est-à-dire n’importe quoi), peut être rattaché à cette volonté de désordre. Y compris cet article, bien entendu.
Selon le New York Times, les services de renseignement savent que Poutine va à la fois soutenir Trump et Sanders par manipulations sur Internet. On songe à une première interprétation rationnelle : le but serait que le président sortant soit confronté à un candidat réputé gauchiste plutôt que modéré, ce qui garantirait sa réélection. Or ce n’est pas l’idée et c’est beaucoup plus subtil.
Le raisonnement de l’ « U.S. Intelligence Community » (les agences de renseignement) repose sur un triple postulat : ils le veulent, ils le peuvent, ils le pensent.
- Sur le premier (nihilistes depuis avant Lénine, ces post bolcheviks entreprennent secrètement de déstabiliser les démocraties), le Kremlin ne nous a pas fait de confidences.
- Sur le second (ils surpassent les U.S.A. en matière de cyber et soft power et faussent les élections à leur guise), le dossier est plus documenté. Il existe de multiples techniques pour agir sur l’opinion d’un autre pays. Fausses nouvelles, faux sites, faux comptes avec fausse nationalité sur les réseaux sociaux, trolls et robots poussant les messages nocifs, piratage numérique et vol d’informations compromettantes, agents d’influences et chaînes d’information idéologiquement orientées : tout cela existe (et pas qu’à Moscou).
La question serait alors : pourquoi les moyens russes de manipulation seraient-ils si efficaces face aux milliards de dollars dépensés en marketing politique, face aux médias mainstream, aux leaders d’opinion du pays qui a inventé Hollywood ? Et face aux multiples processus de rétablissement de la vérité et de repérage anti manipulation mis en place par les autorités, les médias, les ONG, les GAFAM, etc. ? C’est une interprétation plutôt complotiste et mécaniste du mystère de la croyance : il suffirait de messages efficaces, même minoritaires, pour abuser le peuple. En ce cas, pourquoi Mr. Bloomberg qui a déjà dépensé 500 millions de dollars avec les meilleurs communicants n’a-t-il pas balayé ces influences délétères en quinze jours ? Et pourquoi cette réceptivité d’une partie de la population (d’ailleurs peu confiante dans les réseaux sociaux) ?
- Le troisième point (la stratégie machiavélienne) est une thèse typique de l’État profond, et répandue par les think tanks comme la Rand corporation. Elle semble parodier une phrase souvent citée d’Arendt : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. »
Tromperie ?
Le but de ces opérations de tromperie ne serait donc pas tant d’aider le candidat A favorable ou de déstabiliser le candidat B, hostile. Ce serait de la subversion, au sens de bouleversement/perversion des principes d’une Nation. Exaspérer tensions et méfiance. On jouerait sur le double ressort du conflit (confronter les candidat les plus opposés par leur vision de la société pour fractionner cette société) et du scepticisme (si les citoyens ne croient plus vivre dans le même monde des faits, ils finissent par ne plus partager le même monde des valeurs, et cela sape le principe même de la démocratie). À ce compte, sachant qu’hier Griveaux a été déstabilisé (certains y voient la main de Moscou), et s’il y a demain sur les réseaux sociaux des rumeurs diffamant Dati, nous saurons que Poutine veut plonger Paris dans l’anarchie.
Pouvoir merveilleux de l’information dévoyée (à faible risque et à faible coût) : elle déforme et dégrade. Et, si l’on pousse le raisonnement, plus elle semble contradictoire et erratique, plus elle remplit son rôle. Plus elle est difficile à attribuer, plus elle perturbe la cible. Plus elle paraît absurde – soutenir A et l’inverse de A – plus elle est efficace.
Cela rappelle un livre de science fiction de Norman Spinrad des années 60 (Les pionniers du Chaos, où une secte, la confrérie des Assassins, suscite le désordre pour le désordre dans le monde futur de l’Hégémonie.). Or le raisonnement fonctionne trop bien et ne peut être contredit. Quoi qu’il se produise et qui engendre du désordre (c’est-à-dire n’importe quoi), peut être rattaché à cette volonté de désordre. Y compris cet article, bien entendu.
Quand ceux qui n’ont plus rien partagent le symbole du grotesque et de la vengeance, leur défi nihiliste nous annonce un singulier retour du conflit.
Le chiffre global tétanise : 33.769 attentats «islamistes» (se réclamant d’un projet d’établissement de la charia et/ou du califat) ont couté la vie à au moins 167.096 personnes.
Les black blocs, groupe affinitaire et temporaire, excellent dans la programmation numérique de l’action physique. Nihilisme symbolique et individualisme surexcité, le tout sur fond de communautés numériques : c’est bien la troisième génération de la révolte dont parle Régis Debray : sans contre-projet, mais dans l’action comme révélation de soi.
Quand l’Iran se coupe de la Toile pour isoler ses activistes, il révèle une fracture bien plus profonde.