Pourquoi y a-t-il autant de fake news sur Internet ?
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Comme le disait Popper « l’homme est un singe menteur », rumeur et diffamation ont toujours existé, les bobards ne datent pas d’hier...
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Comme le disait Popper « l’homme est un singe menteur », rumeur et diffamation ont toujours existé, les bobards ne datent pas d’hier...
Faites une expérience. Tapez « fake news » dans un moteur de recherche. Éventuellement, « depuis moins d’une heure » : des milliers de réponses. Même s’il y a des articles redondants sur les mêmes « infox » (terminologie qu’une loi a tenté d’imposer à la place de l’anglicisme fakes) cela implique :
- Que chaque jour des millions de gens créent, répandent ou consultent des informations fausses ou douteuses.
- Mais aussi que des centaines d’organisations, de médias, des services des GAFAM, des milliers d’internautes vigilants les dénoncent. Aux juges, aux autorités, aux plate-formes numériques ou au public, suivant le cas.
Faut-il en déduire que le monde se divise en foules de jobards et poignées de véridiques (dont nous) ? Classes incultes, victimes de leur crédulité et de leurs passions, versus élites éclairées ?
La capacité des citoyens à se référer au même monde réel, avec le droit de diverger sur l’efficace et le souhaitable, suscite une tension politique, scientifique et culturelle. L’autorité censée dire le vrai – science, médecine, pour toute expertise, mesure de réalités sociales comme le chômage ou la criminalité, méthodes journalistiques d’établissement des faits, récit des crises, des guerres et interprétation des événements politiques – cette autorité est en crise. Pour faire savant, disons : celle du régime de vérité.
Vraisemblance
En réaction, une partie de la population craint que les masses égarées par les fakes, les discours de haine, les rumeurs en ligne, la montée de l’obscurantisme, cédant au simple désir de croire ce qui leur plaît (post-vérité), victime des manipulateurs à la Trump ou à la Johnson, et déboussolées sur les réseaux sociaux, n’aient perdu toute notion de vérification ou de vraisemblance. Donc deviennent incontrôlables. La peur de la désinformation débouche sur la crainte des masses.
Est-ce si nouveau ? Sans remonter à la terre plate ou aux sorcières sur des balais, il n’est pas si difficile de se souvenir de croyances relatives au Goulag, au sida, aux armes de destruction massive en Irak ou à l’économie numérique, hier communes, aujourd’hui jugées délirantes.
Comme le disait Popper « l’homme est un singe menteur », rumeur et diffamation ont toujours existé, les bobards ne datent pas d’hier, etc. Mieux, toute croyance que nous tenons pour évidente, implique que qui croit dans un autre Dieu ou une autre idéologie soit victime d’un lavage de cerveau, ou, au moins, qu’il raisonne mal sur la base d’une connaissance biaisée. Et ceci vaut pour nombre de théories relatives à la science, à la santé, etc.
A minima, le caractère historiquement inédit des fake news et notions associées tient :
- à leur visibilité, via les médias classiques et sur les réseaux sociaux, liée à leur abondance, à leur sophistication et à leur rythme ;
- à leur facilité (de production, de propagation, de confirmation par autrui, mais aussi de repérage) grâce au numérique ;
- à leur démocratisation (conséquence de leur facilité). De plus en plus de gens, devenus émetteurs à leur tour (et plus simples récepteurs des médias, ou commentateurs des nouvelles devant la machine à café) peuvent participer au processus, moitié pour exercer une influence, intéressée, narcissique, idéologique…, moitié par désir sincère de faire partager un indignation ou une révélation. Mais dans tous les cas, plus besoin de mobiliser une officine ou de posséder un journal ;
- à leur variété, ou plus exactement à la variété de techniques destinées à agir sur le cerveau humain, plus ou moins proches des fakes news stricto sensu et dont nous développerons la liste ;
- à leur attractivité : la révélation d’un scandale, d’un danger caché ou l’explication surprenante de faits inexplicables capte forcément notre attention (l’objet d’une véritable économie de la captation de seconde de cerveau humain) ;
- à leur impact, vrai ou supposé. Pour les uns l’élection de Trump, le Brexit, les votes populistes et, de façon plus générale, toutes sortes de croyances relatives à l’immigration, au pouvoir des riches ou à la corruption de la classe politique s’expliquent par une intoxication plus ou moins organisée. Pour les autres, les gens d’en haut, et leurs complices, médias serviles, dissimulent la gravité de la situation politique, économique, sanitaire, etc. Mais dans les deux cas, chacun croit l’autre camp victime de délires et le cours de l’Histoire menacée par la falsification.
Faites une expérience. Tapez « fake news » dans un moteur de recherche. Éventuellement, « depuis moins d’une heure » : des milliers de réponses. Même s’il y a des articles redondants sur les mêmes « infox » (terminologie qu’une loi a tenté d’imposer à la place de l’anglicisme fakes) cela implique :
- Que chaque jour des millions de gens créent, répandent ou consultent des informations fausses ou douteuses.
- Mais aussi que des centaines d’organisations, de médias, des services des GAFAM, des milliers d’internautes vigilants les dénoncent. Aux juges, aux autorités, aux plate-formes numériques ou au public, suivant le cas.
Faut-il en déduire que le monde se divise en foules de jobards et poignées de véridiques (dont nous) ? Classes incultes, victimes de leur crédulité et de leurs passions, versus élites éclairées ?
La capacité des citoyens à se référer au même monde réel, avec le droit de diverger sur l’efficace et le souhaitable, suscite une tension politique, scientifique et culturelle. L’autorité censée dire le vrai – science, médecine, pour toute expertise, mesure de réalités sociales comme le chômage ou la criminalité, méthodes journalistiques d’établissement des faits, récit des crises, des guerres et interprétation des événements politiques – cette autorité est en crise. Pour faire savant, disons : celle du régime de vérité.
Vraisemblance
En réaction, une partie de la population craint que les masses égarées par les fakes, les discours de haine, les rumeurs en ligne, la montée de l’obscurantisme, cédant au simple désir de croire ce qui leur plaît (post-vérité), victime des manipulateurs à la Trump ou à la Johnson, et déboussolées sur les réseaux sociaux, n’aient perdu toute notion de vérification ou de vraisemblance. Donc deviennent incontrôlables. La peur de la désinformation débouche sur la crainte des masses.
Est-ce si nouveau ? Sans remonter à la terre plate ou aux sorcières sur des balais, il n’est pas si difficile de se souvenir de croyances relatives au Goulag, au sida, aux armes de destruction massive en Irak ou à l’économie numérique, hier communes, aujourd’hui jugées délirantes.
Comme le disait Popper « l’homme est un singe menteur », rumeur et diffamation ont toujours existé, les bobards ne datent pas d’hier, etc. Mieux, toute croyance que nous tenons pour évidente, implique que qui croit dans un autre Dieu ou une autre idéologie soit victime d’un lavage de cerveau, ou, au moins, qu’il raisonne mal sur la base d’une connaissance biaisée. Et ceci vaut pour nombre de théories relatives à la science, à la santé, etc.
A minima, le caractère historiquement inédit des fake news et notions associées tient :
- à leur visibilité, via les médias classiques et sur les réseaux sociaux, liée à leur abondance, à leur sophistication et à leur rythme ;
- à leur facilité (de production, de propagation, de confirmation par autrui, mais aussi de repérage) grâce au numérique ;
- à leur démocratisation (conséquence de leur facilité). De plus en plus de gens, devenus émetteurs à leur tour (et plus simples récepteurs des médias, ou commentateurs des nouvelles devant la machine à café) peuvent participer au processus, moitié pour exercer une influence, intéressée, narcissique, idéologique…, moitié par désir sincère de faire partager un indignation ou une révélation. Mais dans tous les cas, plus besoin de mobiliser une officine ou de posséder un journal ;
- à leur variété, ou plus exactement à la variété de techniques destinées à agir sur le cerveau humain, plus ou moins proches des fakes news stricto sensu et dont nous développerons la liste ;
- à leur attractivité : la révélation d’un scandale, d’un danger caché ou l’explication surprenante de faits inexplicables capte forcément notre attention (l’objet d’une véritable économie de la captation de seconde de cerveau humain) ;
- à leur impact, vrai ou supposé. Pour les uns l’élection de Trump, le Brexit, les votes populistes et, de façon plus générale, toutes sortes de croyances relatives à l’immigration, au pouvoir des riches ou à la corruption de la classe politique s’expliquent par une intoxication plus ou moins organisée. Pour les autres, les gens d’en haut, et leurs complices, médias serviles, dissimulent la gravité de la situation politique, économique, sanitaire, etc. Mais dans les deux cas, chacun croit l’autre camp victime de délires et le cours de l’Histoire menacée par la falsification.
Quand ceux qui n’ont plus rien partagent le symbole du grotesque et de la vengeance, leur défi nihiliste nous annonce un singulier retour du conflit.
Le chiffre global tétanise : 33.769 attentats «islamistes» (se réclamant d’un projet d’établissement de la charia et/ou du califat) ont couté la vie à au moins 167.096 personnes.
Les black blocs, groupe affinitaire et temporaire, excellent dans la programmation numérique de l’action physique. Nihilisme symbolique et individualisme surexcité, le tout sur fond de communautés numériques : c’est bien la troisième génération de la révolte dont parle Régis Debray : sans contre-projet, mais dans l’action comme révélation de soi.
Quand l’Iran se coupe de la Toile pour isoler ses activistes, il révèle une fracture bien plus profonde.