Astroturfing et fake activism : la dynamique cachée du boycott marocain

Auteur(s)

Date

8 octobre 2018

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Résumé

Ces données, appréhendées à l’aune de nos constations réalisées sur Twitter dans la phase liminaire de notre étude, ne vont pas sans questionner une potentielle dimension artificielle du mouvement de boycott. Sans aller jusqu’à dire, cela reviendrait à tordre la réalité et à accorder une primauté trop hégémonique à la simple analyse de données, que ce mouvement est une pure campagne d’astroturfing, il nous paraît malgré tout, que mis bout à bout, les différents points que nous avons mis au jour questionne tout aussi bien la dimension populaire du mouvement, les acteurs à son origine et surtout les cibles réellement visées.

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8 octobre 2018

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Ces données, appréhendées à l’aune de nos constations réalisées sur Twitter dans la phase liminaire de notre étude, ne vont pas sans questionner une potentielle dimension artificielle du mouvement de boycott. Sans aller jusqu’à dire, cela reviendrait à tordre la réalité et à accorder une primauté trop hégémonique à la simple analyse de données, que ce mouvement est une pure campagne d’astroturfing, il nous paraît malgré tout, que mis bout à bout, les différents points que nous avons mis au jour questionne tout aussi bien la dimension populaire du mouvement, les acteurs à son origine et surtout les cibles réellement visées.

Au Maroc, depuis le mois d’avril, un mouvement de boycott touche le royaume chérifien. Né sur les réseaux sociaux, sur Facebook et sur Twitter notamment, et amplifié à n’en pas douter par des boucles sur des messageries du type WhatsApp ou Telegram, le boycott a ciblé trois entités économiques : les eaux minérales Sidi Ali, le leader marocain des hydrocarbures Afriquia et Centrale Danone, l’ex-Centrale Laitière, filiale du groupe Danone et spécialisée dans les produits laitiers.

La cherté de la vie apparaît comme l’axe structurant du discours porté par les acteurs du mouvement à l’égard des deux entreprises marocaines et de la filiale d’un grand groupe du secteur de l’agro-alimentaire français. Or, la grille de lecture qui tend à réduire ce mouvement à un simple phénomène social, résultant d’une série de facteurs d’ordre purement sociaux et économiques, nous semble réductrice. Le boycott est communément présenté comme une réponse à la cherté de la vie, mais, en se plongeant dans la conversation sur les réseaux sociaux on perçoit très vite que cette dimension ne saurait à elle seule rendre raison de cet objet social aux contours complexes. Ce mouvement, même si le terme peut sembler peu pertinent au sens où aucun leader et/ou aucune entité politique/associative n’a revendiqué la paternité du boycott, est un objet politique non-identifié. Son côté inqualifiable découle en grande partie du flou relatif à ses origines, dont les raisons sont potentiellement multiples. Après tout, et c’est un truisme que de le rappeler, on ne milite pas de la même manière dans une démocratie occidentale et dans un pays monarchique où le roi n’est ni plus ni moins que le Commandeur des croyants.

Ayant suivi de loin les premiers mois du mouvement, nous avons commencé à nous intéresser au sujet lorsque ce dernier commençait à revêtir une dimension digitale entrant en résonance avec nos sujets de recherche. Début août, un article paru dans Le Point a ouvert des perspectives et des lignes de fuites sur cette fronde sociale. Intitulé « des cyberactivistes font vaciller le royaume du Maroc », l’article de Luc de Barochez, envoyé spécial à Rabat et à Casablanca, met l’accent notamment sur le côté professionnel des acteurs à l’origine de la médiatisation du mouvement sur les réseaux sociaux.

Ce constat, en apparence anodin puisque tout mouvement social digne de ce nom a logiquement des structures et/ou des officines à même de gérer son influence digitale, vient en réalité prendre à rebours une partie du narratif jusque-là répandu à l’égard de ce phénomène.

Derrière la fronde sociale, faut-il en réalité y voir une fronde essentiellement, voire uniquement, politique ? Le social, notamment via la question de la cherté de la vie, ne serait-il qu’un écran de fumée permettant de dissimuler des finalités et des manœuvres politiques/politiciennes ? De même, et ce point constituera le fil rouge de notre travail, l’activisme de professionnels du Web et des réseaux sociaux, pour reprendre les enseignements du papier du Point, ne serait-il pas propice à des stratégies de fake, voire d’astroturfing ?

Lire la suite sur Medium.

Au Maroc, depuis le mois d’avril, un mouvement de boycott touche le royaume chérifien. Né sur les réseaux sociaux, sur Facebook et sur Twitter notamment, et amplifié à n’en pas douter par des boucles sur des messageries du type WhatsApp ou Telegram, le boycott a ciblé trois entités économiques : les eaux minérales Sidi Ali, le leader marocain des hydrocarbures Afriquia et Centrale Danone, l’ex-Centrale Laitière, filiale du groupe Danone et spécialisée dans les produits laitiers.

La cherté de la vie apparaît comme l’axe structurant du discours porté par les acteurs du mouvement à l’égard des deux entreprises marocaines et de la filiale d’un grand groupe du secteur de l’agro-alimentaire français. Or, la grille de lecture qui tend à réduire ce mouvement à un simple phénomène social, résultant d’une série de facteurs d’ordre purement sociaux et économiques, nous semble réductrice. Le boycott est communément présenté comme une réponse à la cherté de la vie, mais, en se plongeant dans la conversation sur les réseaux sociaux on perçoit très vite que cette dimension ne saurait à elle seule rendre raison de cet objet social aux contours complexes. Ce mouvement, même si le terme peut sembler peu pertinent au sens où aucun leader et/ou aucune entité politique/associative n’a revendiqué la paternité du boycott, est un objet politique non-identifié. Son côté inqualifiable découle en grande partie du flou relatif à ses origines, dont les raisons sont potentiellement multiples. Après tout, et c’est un truisme que de le rappeler, on ne milite pas de la même manière dans une démocratie occidentale et dans un pays monarchique où le roi n’est ni plus ni moins que le Commandeur des croyants.

Ayant suivi de loin les premiers mois du mouvement, nous avons commencé à nous intéresser au sujet lorsque ce dernier commençait à revêtir une dimension digitale entrant en résonance avec nos sujets de recherche. Début août, un article paru dans Le Point a ouvert des perspectives et des lignes de fuites sur cette fronde sociale. Intitulé « des cyberactivistes font vaciller le royaume du Maroc », l’article de Luc de Barochez, envoyé spécial à Rabat et à Casablanca, met l’accent notamment sur le côté professionnel des acteurs à l’origine de la médiatisation du mouvement sur les réseaux sociaux.

Ce constat, en apparence anodin puisque tout mouvement social digne de ce nom a logiquement des structures et/ou des officines à même de gérer son influence digitale, vient en réalité prendre à rebours une partie du narratif jusque-là répandu à l’égard de ce phénomène.

Derrière la fronde sociale, faut-il en réalité y voir une fronde essentiellement, voire uniquement, politique ? Le social, notamment via la question de la cherté de la vie, ne serait-il qu’un écran de fumée permettant de dissimuler des finalités et des manœuvres politiques/politiciennes ? De même, et ce point constituera le fil rouge de notre travail, l’activisme de professionnels du Web et des réseaux sociaux, pour reprendre les enseignements du papier du Point, ne serait-il pas propice à des stratégies de fake, voire d’astroturfing ?

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