Lettres capitales et systèmes de classification

Création d’un modèle de classification de tweets basé sur l’utilisation des lettres capitales dans une série de publications.
Lettres capitales et systèmes de classification

L’analyse de la ponctuation et de la forme des lettres (majuscule, capitale et minuscule) constitue un axe intéressant pour mettre au jour des caractéristiques et des marqueurs identiaires sémantiques et linguistiques dans un corpus de texte.

Dans une logique de machine learning, on peut considérer que l’analyse de la forme des lettres, en complément d’une analyse de la ponctuation, de la tonalité ou encore des emojis, peut permettre de faire ressortir des patterns autres que des unités sémantiques, comme un mot ou groupe de mots (ngrams).

Dans certains contextes, on peut également considérer que l’utilisation synchronique de lettres capitales est un marqueur d’une forme de violence ou de colère à un moment donné, tandis qu’une utilisation diachronique renverrait, soit à une violence dans le temps, soit à une stratégie éditoriale spécifique faisant de l’utilisation accrue des lettres capitales un marqueur identitaire et communicationnel.

En nous intéressant à la communication de deux Chefs d’État, en l’occurrence Donald Trump et Emmanuel Macron, sur le réseau social Twitter on peut appréhender toute la fertilité heuristique des analyses de données basée sur la densité de lettres capitales.

tml_macron <- read_csv("https://www.dropbox.com/s/e9b9uzv6qckpyhg/macron.csv?raw=1")
tml_trump <- read_csv("https://www.dropbox.com/s/pwiyxdhl8klixro/trump.csv?raw=1")

join <- rbind(tml_macron,
              tml_trump) %>%
  group_by(username) %>%
  filter(date >= "2018-01-01")

Pour ce faire, nous avons récupéré l’ensemble des publications organiques de Donald Trump et d’Emmanuel Macron depuis le 1er janvier 2018.

obs <- join %>%
  group_by(username) %>%
  summarise(`Nombre d'observations` = n()) %>%
  rename(`Chef d'État` = 1)

Notre corpus de publications est composé des observations suivantes :

Chef d’ÉtatNombre d’observations
emmanuelmacron3094
realdonaldtrump8795

À partir de ces données, on peut calculer la densité de lettres capitales dans chacune des publications de Donald Trump et d’Emmanuel Macron.

Afin d’éviter tous biais, nous devons au préalable supprimer les mentions de comptes, ainsi que les URL :

text <- join %>%
  rowwise() %>%
  select(username, tweet, date) %>%
  mutate(text_clean = gsub("@\\S+\\s*", " ", tweet),
         text_clean = gsub("http\\S+\\s*", " ", text_clean),
         text_clean = gsub("https\\S+\\s", " ", text_clean),
         text_clean = gsub("pic.twitter.com/.*", " ", text_clean),
         text_clean = gsub(".*pic.twitter.com", " ", text_clean),
         nchar = nchar(text_clean), 
         nspaces = length(strsplit(text_clean, " ")[[1]]),
         nchar_count = nchar - nspaces,
         text_clean = paste0(tolower(substr(text_clean, 1, 1)), substr(text_clean, 2, nchar)),
         text_clean = gsub("[[:punct:] ]", " ", text_clean),
         cap_count = str_count(text_clean, "[A-Z]"),
         cap_dens = cap_count / nchar_count,
         week = round_date(date, unit = "week")) %>%
  group_by(username, week) %>%
  mutate(cap_dens_weekly = mean(na.omit(cap_dens))) %>%
  ungroup() %>%
  select(-c(nchar, nspaces)) %>%
  filter(nchar_count > 0)

text %>%
  ggplot(aes(x = date, y = cap_dens, color = username)) +
  geom_jitter() +
  theme_minimal() +
  labs(color = "Chefs d'État",
       x = NULL,
       y = "Densité de lettres capitales / tweet") +
  theme(legend.position = "bottom")
densite majuscule tweet

En représentant graphiquement la densité de lettres capitales par publication de chacun des Chefs d’États dans le temps, on remarque qu’au-delà d’un certain seuil (0,35), et à une seule exception près, seules sont présentes les publications de Donald Trump.

Quant à celles d’Emmanuel Macron, pour l’essentiel, elles se situent en deçà du seuil des 0,25.

require(lubridate)

text %>%
  mutate(date = floor_date(date, unit = "week")) %>%
  group_by(username, date) %>%
  mutate(moy = mean(cap_dens)) %>%
  distinct(date, .keep_all = T) %>%
  ggplot(aes(x = date, y = moy, color = username)) +
  geom_line() +
  geom_point() +
  theme_minimal() +
  labs(color = "Chefs d'État",
       x = NULL,
       y = "Moyenne hebdomadaire de lettres capitales") +
  theme(legend.position = "bottom")
moyenne hebdo lettres capitales

En basculant sur une moyenne hebdomadaire, la dichotomie est encore plus marquée.

Construction d’une modèle

Pour construire notre modèle, à partir de notre corpus text, nous créons un corpus train et un corpus test.

text <- text %>%
  mutate(username = as.factor(username))

class(text$username)
## [1] "factor"
text_split <- initial_split(text, strata = username)
text_train <- training(text_split)
text_test <- testing(text_split)

La fonction glm permet de créer un modèle linéaire généralisé. Notre modèle doit expliquer une variable donnée, en l’occurrence dans notre cas le nom d’un Chef d’État, par une ou plusieurs variables explicatives. Concernant les variables explicatives nous en utilisons deux :

  • cap_dens : la densité de lettres capitales par publication ;
  • cap_dens_weekly = la densité de lettres capitales hebdomadaires.
summary(model <- glm(username ~ cap_dens + cap_dens_weekly, 
    data = text_train,
    family = "binomial"))
## 
## Call:
## glm(formula = username ~ cap_dens + cap_dens_weekly, family = "binomial", 
##     data = text_train)
## 
## Deviance Residuals: 
##     Min       1Q   Median       3Q      Max  
## -3.3545  -0.0071   0.0013   0.0279   2.3881  
## 
## Coefficients:
##                 Estimate Std. Error z value Pr(>|z|)    
## (Intercept)     -16.4926     0.7526 -21.913   <2e-16 ***
## cap_dens         -0.9106     1.2603  -0.723     0.47    
## cap_dens_weekly 269.9412    11.7950  22.886   <2e-16 ***
## ---
## Signif. codes:  0 '***' 0.001 '**' 0.01 '*' 0.05 '.' 0.1 ' ' 1
## 
## (Dispersion parameter for binomial family taken to be 1)
## 
##     Null deviance: 10016.33  on 8593  degrees of freedom
## Residual deviance:   775.02  on 8591  degrees of freedom
## AIC: 781.02
## 
## Number of Fisher Scoring iterations: 10

En appliquant la fonction summary à notre modèle on constate que la variable explicative cap_dens_weekly a une p-value très faible ce qui donne à penser que cette variable joue un rôle important pour déterminer si une publication est davantage le fait de Donald Trump ou d’Emmanuel Macron.

text_test <- text_test %>%
  mutate(pred = predict(model, ., type = "response"),
         pred_username = if_else(pred >= 0.5, "Prédiction - Donald Trump", "Prédiction - Emmanuel Macron"))

text_test %>%
  filter(!is.na(pred_username)) %>%
  ggplot(aes(x = date, y = pred, color = pred_username)) +
  geom_jitter() +
  theme_minimal() +
  labs(color = "Chefs d'État",
       x = NULL,
       y = NULL) +
  theme(legend.position = "bottom")
lettres-capitales-et-systemes-de-classification graph

Le modèle étant créé, nous l’utilisons sur notre corpus test. De manière, quelque peu arbitraire et empirique, nous fixons un seuil à 0,5 pour convertir les probabilités issues du modèle en prédictions catégorielles. Évidemment, on pourrait ajuster la valeur t (threshold value) en fonction des erreurs et autres faux positifs engendrés par notre modèle.

Prédiction – Donald TrumpPrédiction – Emmanuel Macron
emmanuelmacron15757
realdonaldtrump206824

Pour évaluer la précision de notre modèle de classification basé sur l’analyse des lettres capitales, nous réalisons une matrice de confusion sur les données de notre corpus de test.

Il apparaît que ce dernier est relativement performant, avec 14 faux positifs pour Emmanuel Macron et 24 faux positifs pour Donald Trump.

Total
0
partage(s)
Article précédent
appeler a l’union, rappeler a l’ordre : ce que disent les hashtags gouvernementaux

Appeler à l’union, rappeler à l’ordre : ce que disent les hashtags gouvernementaux

Article suivant
jour d’apres et convergence des crises

Jour d’après et convergence des crises

Dans la même catégorie
“stop covid”, le techno-determinisme en marche
En savoir plus

“Stop Covid”, le techno-déterminisme en marche

Un projet qui pourrait, au demeurant, ne servir à rien, sauf à révéler le fait qu’en situation de crise, les démocraties occidentales ont un tropisme les inclinants naturellement au techno-déterminisme (topoï éculés de “la faute aux réseaux sociaux” ou de l’ingérence tous azimuts des Russes) ou au techno-solutionnisme, consistant à penser qu’une réponse technique à un phénomène de société permettrait mécaniquement de résoudre ce dernier.
epidemologie et ideologie
En savoir plus

Épidémologie et idéologie

PL’épidémie mettra-t-elle la mondialisation en panne ? Le mouvement de circulation et dépendance entre gens et marchandises ? Somme-nous confinés jusqu’à nouvel ordre mondial ou jusqu’à retour à, la normale, après quelques milliers de morts et quelques points de PIB en moins ? À moins que, suivant une stratégie dite du choc, le capitalisme ne fasse du désastre une occasion d’imposer encore plus de réformes ?
Logo anniversaire pour les 20 ans de Wikipédia
En savoir plus

Comment Wikipédia est passé du statut de “mauvais élève” à celui de modèle alternatif d’organisation de l’information

La presse française et internationale s’est largement fait l’écho, la semaine dernière, des 20 ans de Wikipédia, en soulignant au passage la manière dont ce site collaboratif, fortement critiqué à ses débuts pour son manque de fiabilité, s’est imposé comme une référence incontournable dans le paysage du web contemporain. De là à ce que l’éthique procédurale qui structure une partie de l’encyclopédie en vienne à être transposée à des réseaux sociaux en crise permanente, il n’y a qu’un pas - que certains observateurs, chercheurs et acteurs politiques songent, de plus en plus, à franchir.