La crise, brouillard de guerre ou révélateur du réel ?
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Résumé
Le sujet ne se réduit pas seulement aux « fake news » et aux manipulations classiques de l’information. Avec le Coronavirus, nous vivons pleinement un « bûcher des vérités » : nous manquons d’informations solides sur lesquelles nous appuyer, de faits scientifiques, de prévisions.
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Le sujet ne se réduit pas seulement aux « fake news » et aux manipulations classiques de l’information. Avec le Coronavirus, nous vivons pleinement un « bûcher des vérités » : nous manquons d’informations solides sur lesquelles nous appuyer, de faits scientifiques, de prévisions.
« We fell asleep in one world, and woke up in another. Suddenly Disney is out of magic, Paris is no longer romantic, New York doesn’t stand up anymore, the Chinese wall is no longer a fortress, and Mecca is empty » : il y a quelques jours, le président d’une grande entreprise française m’a envoyé via Whatsapp ce poème en circulation sur les réseaux sociaux, empli de spleen et de monde flottant, d’hyperréalisme et de rêverie, empreint d’une esthétique représentative de tout un pan de la littérature contemporaine.
Ce dirigeant agile, rompu au coup d’avance et qui sait piloter son entreprise pour lui faire affronter la crise de façon organisée, a néanmoins voulu me faire partager cette impression : nous voici tous sidérés, dans le brouillard de la guerre, les cartes rebattues, sens dessus dessous.
Le sujet ne se réduit pas seulement aux « fake news » et aux manipulations classiques de l’information. Avec le Coronavirus, nous vivons pleinement un « bûcher des vérités » : nous manquons d’informations solides sur lesquelles nous appuyer, de faits scientifiques, de prévisions. Un jour, les masques sont inutiles ; le suivant, il faut en confectionner avec ses écharpes personnelles. Quel principe de justification choisir, pour trancher entre l’« evidence based medecine » scientifique du gouvernement et le pragmatisme médical d’un Didier RAOULT ?
Quelles certitudes demeurent ? La crise révèle tout simplement ce que nous pressentions déjà. L’imaginaire de l’effondrement était déjà présent, partagé par les survivalistes, les milliardaires californiens et les séries catastrophes. Nous n’avons pas changé de monde ; voyons-le tel qu’il est.
« Paris is no longer romantic » depuis longtemps. Le mode de vie urbain est contesté à l’ échelle mondiale : si un Parisien sur six est parti durant l’épidémie, ils sont 12 000 à quitter définitivement la capitale annuellement. « The chinese wall is no longer a fortress » : déjà décrié, l’offshoring de la production, trop massif et peu qualitatif, était déjà remis en cause depuis plusieurs mois. Les crises accélèrent les tendances en cours davantage qu’elles ne les créent : la realpolitik déjà bien assumée par plusieurs dirigeants mondiaux s’épanouit en une franche concurrence entre Etats (pour les masques, les brevets des vaccins, les machines…) ; les régimes autoritaires accroissent leur contrôle ; la digitalisation des styles de vie et de travail se généralise (télétravail, contrôle social, loisirs numériques…) ; les organisations internationales s’avèrent à la fois nécessaires et trop faibles (BCE, FMI, OMS)…
Nul doute que la question sociale, qui s’irrite depuis quelques années contre les « 1% », va devenir brûlante dans un contexte de récession. Alors que les catégories les plus favorisées se retirent dans leurs campagnes, comme en son temps le petit groupe du Boccace fuyant la peste, entouré « de petits prés alentour, des jardins merveilleux, des puits aux eaux très fraîches », d’« oiseaux chanteurs » et d’«herbes mouillées de rosée », que dire de ces travailleurs aux métiers dévalorisés et pourtant vitaux en temps de crise ? Des 4,3 millions de mal-logés ? De l’espérance de vie et de la surmortalité de Seine-Saint-Denis ?
Finalement, les causes qui ont provoqué le Mers, le Sars, la grippe H1N1, le Covid-19 vont perdurer, pôles urbains insalubres et traversés par des inégalités sociales grandissantes, forêts profondes percées par les routes de la soie et l’agriculture, informations manipulées, hypermobilité mondiale… Les grands pôles urbains contaminés ne pourront être réouverts aisément avant la généralisation du vaccin. Le risque pandémique était déjà là, mais trop abstrait pour que nous l’intégrions dans nos stratégies. Nous savons maintenant que nous devons mettre en place des organisations capables de prospérer dans cet environnement. Et relancer rapidement des modes de production qui en tiennent compte.
« We fell asleep in one world, and woke up in another. Suddenly Disney is out of magic, Paris is no longer romantic, New York doesn’t stand up anymore, the Chinese wall is no longer a fortress, and Mecca is empty » : il y a quelques jours, le président d’une grande entreprise française m’a envoyé via Whatsapp ce poème en circulation sur les réseaux sociaux, empli de spleen et de monde flottant, d’hyperréalisme et de rêverie, empreint d’une esthétique représentative de tout un pan de la littérature contemporaine.
Ce dirigeant agile, rompu au coup d’avance et qui sait piloter son entreprise pour lui faire affronter la crise de façon organisée, a néanmoins voulu me faire partager cette impression : nous voici tous sidérés, dans le brouillard de la guerre, les cartes rebattues, sens dessus dessous.
Le sujet ne se réduit pas seulement aux « fake news » et aux manipulations classiques de l’information. Avec le Coronavirus, nous vivons pleinement un « bûcher des vérités » : nous manquons d’informations solides sur lesquelles nous appuyer, de faits scientifiques, de prévisions. Un jour, les masques sont inutiles ; le suivant, il faut en confectionner avec ses écharpes personnelles. Quel principe de justification choisir, pour trancher entre l’« evidence based medecine » scientifique du gouvernement et le pragmatisme médical d’un Didier RAOULT ?
Quelles certitudes demeurent ? La crise révèle tout simplement ce que nous pressentions déjà. L’imaginaire de l’effondrement était déjà présent, partagé par les survivalistes, les milliardaires californiens et les séries catastrophes. Nous n’avons pas changé de monde ; voyons-le tel qu’il est.
« Paris is no longer romantic » depuis longtemps. Le mode de vie urbain est contesté à l’ échelle mondiale : si un Parisien sur six est parti durant l’épidémie, ils sont 12 000 à quitter définitivement la capitale annuellement. « The chinese wall is no longer a fortress » : déjà décrié, l’offshoring de la production, trop massif et peu qualitatif, était déjà remis en cause depuis plusieurs mois. Les crises accélèrent les tendances en cours davantage qu’elles ne les créent : la realpolitik déjà bien assumée par plusieurs dirigeants mondiaux s’épanouit en une franche concurrence entre Etats (pour les masques, les brevets des vaccins, les machines…) ; les régimes autoritaires accroissent leur contrôle ; la digitalisation des styles de vie et de travail se généralise (télétravail, contrôle social, loisirs numériques…) ; les organisations internationales s’avèrent à la fois nécessaires et trop faibles (BCE, FMI, OMS)…
Nul doute que la question sociale, qui s’irrite depuis quelques années contre les « 1% », va devenir brûlante dans un contexte de récession. Alors que les catégories les plus favorisées se retirent dans leurs campagnes, comme en son temps le petit groupe du Boccace fuyant la peste, entouré « de petits prés alentour, des jardins merveilleux, des puits aux eaux très fraîches », d’« oiseaux chanteurs » et d’«herbes mouillées de rosée », que dire de ces travailleurs aux métiers dévalorisés et pourtant vitaux en temps de crise ? Des 4,3 millions de mal-logés ? De l’espérance de vie et de la surmortalité de Seine-Saint-Denis ?
Finalement, les causes qui ont provoqué le Mers, le Sars, la grippe H1N1, le Covid-19 vont perdurer, pôles urbains insalubres et traversés par des inégalités sociales grandissantes, forêts profondes percées par les routes de la soie et l’agriculture, informations manipulées, hypermobilité mondiale… Les grands pôles urbains contaminés ne pourront être réouverts aisément avant la généralisation du vaccin. Le risque pandémique était déjà là, mais trop abstrait pour que nous l’intégrions dans nos stratégies. Nous savons maintenant que nous devons mettre en place des organisations capables de prospérer dans cet environnement. Et relancer rapidement des modes de production qui en tiennent compte.
Quand ceux qui n’ont plus rien partagent le symbole du grotesque et de la vengeance, leur défi nihiliste nous annonce un singulier retour du conflit.
Le chiffre global tétanise : 33.769 attentats «islamistes» (se réclamant d’un projet d’établissement de la charia et/ou du califat) ont couté la vie à au moins 167.096 personnes.
Les black blocs, groupe affinitaire et temporaire, excellent dans la programmation numérique de l’action physique. Nihilisme symbolique et individualisme surexcité, le tout sur fond de communautés numériques : c’est bien la troisième génération de la révolte dont parle Régis Debray : sans contre-projet, mais dans l’action comme révélation de soi.
Quand l’Iran se coupe de la Toile pour isoler ses activistes, il révèle une fracture bien plus profonde.