La crise de confiance, « moment Tchernobyl » du Coronavirus
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Résumé
Le fait que nous en soyons là n’est pas bon signe pour le reste du monde. Nous croyons sincèrement ceux qui nous donnent 5 ans de retard sur les Etats-Unis quand, bien souvent, l’épicentre du virus, c’est nous : la « French theory » nous revient aujourd’hui des campus américains en version hollywood, cet art du soupçon qui pousse à tout déconstruire et à penser « qu’il n’y a pas de connaissance objective, mais seulement des interprétations du réel ».
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Le fait que nous en soyons là n’est pas bon signe pour le reste du monde. Nous croyons sincèrement ceux qui nous donnent 5 ans de retard sur les Etats-Unis quand, bien souvent, l’épicentre du virus, c’est nous : la « French theory » nous revient aujourd’hui des campus américains en version hollywood, cet art du soupçon qui pousse à tout déconstruire et à penser « qu’il n’y a pas de connaissance objective, mais seulement des interprétations du réel ».
Depuis le mois de février, l’expression « Tchernobyl chinois » est régulièrement utilisée : en quoi la mauvaise gestion d’une catastrophe originelle peut-elle engendrer une crise de confiance telle qu’elle condamnerait un régime autoritaire, dont elle révèlerait les fragilités jusque-là bien cachées par la propagande ? Aucun pays n’est en réalité à l’abri de vivre ce « moment Tchernobyl », les Etats pétroliers dont la fragile stabilité sociale dépend du prix du baril comme les Etats-Unis, frappés par une crise sociale sans précédent qui va aggraver le déclassement d’une population déjà en mal d’être « great again ».
Intéressons-nous à la France. La crise de confiance y est patente. Nous ne savons plus qui ou quoi croire. Nous sommes peut-être plus atteints que d’autres, d’ailleurs, parce que les coups les plus puissants portés contre l’un des principes de vérité, la science, ne le sont pas par des dictateurs ou démagogues cyniques, mais par des représentants de celle-ci, au renom mondial, comme Didier Raoult et Luc Montagnier. Le premier remet en cause l’evidence based medecine au nom du pragmatisme médical. Le deuxième apporte sa crédibilité de Nobel à une information que la quasi-totalité de ses collègues considèrent comme fausse. Qui croire, quand toutes les options sont possibles, et que l’on ne trouve rien pour distinguer du vrai et du faux ? « Le coronavirus s’est échappé du laboratoire P4 de Wuhan, qui étudiait opportunément les virus de chauve-souris » : est-ce là une fake news bricolée par la CIA ? Une théorie du complot pour des esprits enclins aux fantasmes cinématographiques ? Ou bien une vérité que nos services de renseignement ne parviendront jamais à prouver faute d’accès aux preuves ?
Le fait que nous en soyons là n’est pas bon signe pour le reste du monde. Nous croyons sincèrement ceux qui nous donnent 5 ans de retard sur les Etats-Unis quand, bien souvent, l’épicentre du virus, c’est nous : la « French theory » nous revient aujourd’hui des campus américains en version hollywood, cet art du soupçon qui pousse à tout déconstruire et à penser « qu’il n’y a pas de connaissance objective, mais seulement des interprétations du réel », pour reprendre la phrase du sociologue Raymond Boudon. Nos spéculations d’intellos ont été prises au sérieux au pays de Mickey : plus rien n’est évidemment vrai, ni loi physique, ni genre, ni valeurs, si ce n’est la déconstruction et le choix personnel. La vérité brûle de ses derniers feux et les pompiers sont pyromanes : notre moment Tchernobyl est métaphysique, ce qui le rend plus dangereux.
Il s’illustre par les faits divers. Ce week-end, le mot le plus tweeté n’a pas été #edouardphilippe (42 114 tweets) mais « police » (1 366 250 fois en 24 heures). Le 18 avril dans la soirée, une vidéo vue 4,7 millions de fois sur Twitter montre un jeune homme au sol. Il hurle. « ILS ONT MIT UN COUP DE PORTIÈRE AU MEC ILS LUI ONT COUPÉ SA JAMBE FAITES TOURNER !! », « Bavure policière, c’est là, c’est là », s’enflamme « Jackboys » (798 abonnés), qui filme la scène. Cela se passe à #villeneuvelagarenne (259 551 tweets sur le hashtag). Autre film, pris de l’intérieur d’une voiture à La Courneuve : de jeunes femmes nous jurent que l’homme que l’on voit étendu vient d’être abattu par les policiers qui l’entourent. Rapidement, le hashtag #mortsauxporcs (6 105 tweets) circule, expression censurée issue du dernier clip du groupe 13 Block, intitulé « Fuck le 17 » ; les appels à l’émeute et à la vengeance fusent contre le « deux poids deux mesures » dont souffre la jeunesse de banlieue par rapport aux blancs des beaux quartiers et contre la pression policière accrue en cette période de confinement. Une vidéo vue 240 000 fois montre des policiers en train « d’effacer les traces du crime ». Crise de confiance dans les institutions. Mais aussi crise de la vérité : on apprend que la jambe n’est pas coupée. A la Courneuve, il s’agissait d’une rixe entre individus. Entre temps, d’autres acteurs entrent dans le débat. Le militant politique d’extrême droite Damien Rieu prend la défense des forces de l’ordre. Son nom sera évoqué, insulté et flatté 46 653 fois ce week-end sur Twitter, soit davantage que le premier ministre présentant son plan de déconfinement. Un compte anonyme : « En France, il y a aujourd’hui 2 peuples sur un même territoire. Un Français, l’autre qui déteste la France, son Histoire et ce qu’elle est ».
« Tout ce qui est sous les cieux est en chaos total ; la situation est excellente », nous disait Mao.
Depuis le mois de février, l’expression « Tchernobyl chinois » est régulièrement utilisée : en quoi la mauvaise gestion d’une catastrophe originelle peut-elle engendrer une crise de confiance telle qu’elle condamnerait un régime autoritaire, dont elle révèlerait les fragilités jusque-là bien cachées par la propagande ? Aucun pays n’est en réalité à l’abri de vivre ce « moment Tchernobyl », les Etats pétroliers dont la fragile stabilité sociale dépend du prix du baril comme les Etats-Unis, frappés par une crise sociale sans précédent qui va aggraver le déclassement d’une population déjà en mal d’être « great again ».
Intéressons-nous à la France. La crise de confiance y est patente. Nous ne savons plus qui ou quoi croire. Nous sommes peut-être plus atteints que d’autres, d’ailleurs, parce que les coups les plus puissants portés contre l’un des principes de vérité, la science, ne le sont pas par des dictateurs ou démagogues cyniques, mais par des représentants de celle-ci, au renom mondial, comme Didier Raoult et Luc Montagnier. Le premier remet en cause l’evidence based medecine au nom du pragmatisme médical. Le deuxième apporte sa crédibilité de Nobel à une information que la quasi-totalité de ses collègues considèrent comme fausse. Qui croire, quand toutes les options sont possibles, et que l’on ne trouve rien pour distinguer du vrai et du faux ? « Le coronavirus s’est échappé du laboratoire P4 de Wuhan, qui étudiait opportunément les virus de chauve-souris » : est-ce là une fake news bricolée par la CIA ? Une théorie du complot pour des esprits enclins aux fantasmes cinématographiques ? Ou bien une vérité que nos services de renseignement ne parviendront jamais à prouver faute d’accès aux preuves ?
Le fait que nous en soyons là n’est pas bon signe pour le reste du monde. Nous croyons sincèrement ceux qui nous donnent 5 ans de retard sur les Etats-Unis quand, bien souvent, l’épicentre du virus, c’est nous : la « French theory » nous revient aujourd’hui des campus américains en version hollywood, cet art du soupçon qui pousse à tout déconstruire et à penser « qu’il n’y a pas de connaissance objective, mais seulement des interprétations du réel », pour reprendre la phrase du sociologue Raymond Boudon. Nos spéculations d’intellos ont été prises au sérieux au pays de Mickey : plus rien n’est évidemment vrai, ni loi physique, ni genre, ni valeurs, si ce n’est la déconstruction et le choix personnel. La vérité brûle de ses derniers feux et les pompiers sont pyromanes : notre moment Tchernobyl est métaphysique, ce qui le rend plus dangereux.
Il s’illustre par les faits divers. Ce week-end, le mot le plus tweeté n’a pas été #edouardphilippe (42 114 tweets) mais « police » (1 366 250 fois en 24 heures). Le 18 avril dans la soirée, une vidéo vue 4,7 millions de fois sur Twitter montre un jeune homme au sol. Il hurle. « ILS ONT MIT UN COUP DE PORTIÈRE AU MEC ILS LUI ONT COUPÉ SA JAMBE FAITES TOURNER !! », « Bavure policière, c’est là, c’est là », s’enflamme « Jackboys » (798 abonnés), qui filme la scène. Cela se passe à #villeneuvelagarenne (259 551 tweets sur le hashtag). Autre film, pris de l’intérieur d’une voiture à La Courneuve : de jeunes femmes nous jurent que l’homme que l’on voit étendu vient d’être abattu par les policiers qui l’entourent. Rapidement, le hashtag #mortsauxporcs (6 105 tweets) circule, expression censurée issue du dernier clip du groupe 13 Block, intitulé « Fuck le 17 » ; les appels à l’émeute et à la vengeance fusent contre le « deux poids deux mesures » dont souffre la jeunesse de banlieue par rapport aux blancs des beaux quartiers et contre la pression policière accrue en cette période de confinement. Une vidéo vue 240 000 fois montre des policiers en train « d’effacer les traces du crime ». Crise de confiance dans les institutions. Mais aussi crise de la vérité : on apprend que la jambe n’est pas coupée. A la Courneuve, il s’agissait d’une rixe entre individus. Entre temps, d’autres acteurs entrent dans le débat. Le militant politique d’extrême droite Damien Rieu prend la défense des forces de l’ordre. Son nom sera évoqué, insulté et flatté 46 653 fois ce week-end sur Twitter, soit davantage que le premier ministre présentant son plan de déconfinement. Un compte anonyme : « En France, il y a aujourd’hui 2 peuples sur un même territoire. Un Français, l’autre qui déteste la France, son Histoire et ce qu’elle est ».
« Tout ce qui est sous les cieux est en chaos total ; la situation est excellente », nous disait Mao.
Nous avons un quart de siècle de recul à la fois pour mesurer l’efficacité d’une intention et juger de sa cohérence. Ce qui pourrait se formuler ainsi : comment a-t-on « scientifiquement » défini la valeur universelle pour en faire une catégorie juridique ? Plus malicieusement : comment des représentants d’États ont-ils parlé au nom de l’humanité ou des générations futures et oublié leurs intérêts nationaux ou leurs revendications identitaires ? Plus médiologiquement : comment une organisation matérialisée (le Comité qui établit la liste, des ONG, des experts qui le conseillent…) a-t-elle transformé une croyance générale en fait pratique ? Comment est-on passé de l’hyperbole au règlement ? De l’idéal à la subvention ?
En venant briser la réputation et l’autorité d’un candidat, en venant saper les fondements du discours officiel et légitime d’un État, les fake news et autres logiques de désinformation, viennent mettre au jour l’idée d’un espace public souverain potentiellement sous influence d’acteurs exogènes.
Nos sociétés de l'information exaltent volontiers la transparence. En politique, elle doit favoriser la gouvernance : plus d'ententes clandestines, de manoeuvres antidémocratiques obscures, d'intérêts occultes, de crimes enfouis. En économie, on voit en elle une garantie contre les défauts cachés, les erreurs et les tricheries, donc un facteur de sécurité et de progrès. Et, moralement, la transparence semble garantir la confiance entre ceux qui n'ont rien à se reprocher. Dans ces conditions, il est difficile de plaider pour le secret. Ou au moins pour sa persistance, voire sa croissance. Et pourtant...
L’image de citadelle assiégée renvoyée par Madrid au moment de la crise catalane soulève de nombreuses questions, et interroge sur la propension que peuvent avoir certains acteurs politiques à tendre vers des logiques d’exception au nom d’une lutte contre une menace informationnelle et/ou pour défendre un système démocratique en proie à de prétendues attaques exogènes.